L’État a le devoir de fournir une éducation de qualité à ses citoyens. Cette assertion s’est vérifiée plusieurs années après les indépendances en Afrique. Mais, la crise économique sévère de la fin des années 80 a progressivement ouvert le secteur de l’éducation aux promoteurs privés. Ces derniers créent des établissements scolaires crédités de dispenser des enseignements de qualité aux coûts souvent élitistes.

À la différence des écoles publiques qui dépendent des financements de l’État, les écoles privées (laïques et confessionnelles) se donnent également le privilège d’opérer comme des entreprises privées cherchant à maximiser leur profit. Il y a lieu de relever que l’essor de ces structures privées de formation a pris appui sur les contraintes budgétaires des États africains qui se sont trouvés à court de ressources financières pour augmenter l’offre scolaire publique.

La démarche qualité

En 2013, les chercheurs Nishimura et Yamani ont montré que dans le cas du Kenya, les parents choisissaient d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées parce que les classes des écoles publiques étaient surchargées. De plus, les écoles publiques étaient accusées de produire des résultats insatisfaisants comparativement aux performances des écoles privées. À ce sujet, une étude de la Banque mondiale réalisée en 2013 souligne que dans sept pays d’Afrique subsaharienne (Burkina Faso, Burundi, Ghana, Sénégal, République démocratique du Congo, Mali et Niger), les parents sont en moyenne plus satisfaits par les écoles privées que par les écoles publiques. Soit des taux de satisfaction de l’ordre de 57% pour le public, 73% pour le confessionnel et 82% pour le privé laïc.

Au Kenya, si les écoles publiques, dans certaines parties du pays, enrôlent des effectifs de plus 100 élèves dans une salle de classe, les écoles privées sont considérées comme la référence tant pour les riches et la classe moyenne que pour les familles pauvres parce qu’elles offrent, avec des effectifs équilibrés et des frais de scolarité élevés, des valeurs de leadership et de confiance en soi et la préparation des élèves à jouer des rôles plus tard dans la vie.

Il faut souligner que le consortium tripartite Centrum, Investbridge et Sabis projette de construire plus de 20 écoles en Afrique au cours des cinq prochaines années pour un coût estimatif de près de 30 millions $. Le projet sera mis en œuvre au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et en Egypte. Il consacrera le concept « Industrie de l’éducation » du groupe Caerus Capital selon lequel 25 millions d’enfants supplémentaires devraient rejoindre les établissements scolaires privés d’ici 2021, créant ainsi une énorme opportunité pour les investisseurs de l’ordre de 16 à 18 milliards $.

Les bailleurs délient les cordons de la bourse

 Dans le même registre, le groupe Enko Education créé par le Camerounais Cyrille Nkontchou et un ancien du Cabinet BearingPoint, Eric Pignot, développe un réseau d’écoles privées en Afrique. À cet effet, il a bénéficié d’un financement de 2,2 millions $ mobilisé par l’IPAE et Proparco, la filiale d’investissement privé de l’Agence française de développement (AFD). Le cahier des charges remis au groupe Enko Education recommande l’ouverture des écoles privées au Cameroun, au Mozambique, en Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud. Enko Education fournit l’ingénierie pédagogique, les méthodes éducatives innovantes et le cursus éducatif pour obtenir une accréditation « Baccalauréat International(IB) » délivrée à des établissements recevant des élèves de 03 à 19 ans.

La privatisation de l’éducation en Afrique n’épargne pas le niveau supérieur avec une grande propension à adapter les contenus des enseignements aux réalités socio-économiques. Lors du sommet dédié à la « Revitalisation de l’enseignement supérieur » en Afrique tenu à Dakar en 2015, le président sénégalais, Macky Sall, indiquait que la marge de progression reste large. Selon lui, le taux d’accès au supérieur n’est que de 7% en Afrique, contre 76% dans les pays occidentaux.

Toutefois, les trois dernières décennies ont enregistré en Afrique une croissance exponentielle de la population estudiantine. Parce que les infrastructures des Grandes écoles et des Universités publiques ne pouvaient plus répondre à la forte demande et aux exigences de l’arrimage des profils de formation aux attentes de l’étroit marché de l’emploi, des établissements privés de l’enseignement supérieur voient le jour à la faveur des réformes universitaires effectuées dans divers pays.

Supérieur privé : payer le prix

À côté du secteur public qui se remet aussi en question, naissent des facultés et des écoles de formation portées par des promoteurs privés. Ici, on forme aux métiers de la santé, du génie civil, du pétrole, de la communication, des nouvelles technologies, de la comptabilité et des finances, du management, des sciences commerciales, des arts, etc.

Les confessions religieuses entrent aussi dans le jeu avec la naissance des universités catholiques, adventistes et protestantes qui ont en commun de pratiquer des frais de scolarité élitistes (jusqu’à 3000 $ par an) adossés sur des standards qualité appréciée. Ces structures fonctionnent sous la tutelle académique des Universités d’État qui encadrent les programmes d’étude et valident les diplômes délivrés.

En conclusion, le développement des écoles privées dans l’environnement éducatif africain se présente comme un gage de complémentarité avec les actions des autorités publiques en charge de l’implémentation de l’éducation, droit social des citoyens. Certes, ces écoles privées ne sont pas accessibles à toutes les bourses, mais elles ont contribué à encourager en Afrique l’esprit de l’entreprenariat éducatif et à rapatrier dans les pays africains des filières de formations pointues auxquelles les jeunes Africains ne pouvaient, à une époque, accéder qu’en occident.

Jean-Mathias KOUEMEKO

 

 

 

 

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