Le retard du continent africain au plan économique devrait être indexé sur le grand déficit dans la mobilisation des acteurs de la recherche et de l’innovation technologique. Pour inverser cette tendance, un groupe de jeunes chercheurs sud-africains, membres de l’African Institute of Mathematical Sciences (AIMS), a créé la plateforme Next Einstein Forum dont l’objectif est, depuis 2013, de valoriser le génie et l’inventivité des jeunes chercheurs et scientifiques africains.
La déclaration finale des premières rencontres de l’Initiative Next Einstein Forum organisées à Dakar au Sénégal en 2016, souligne deux options essentielles. L’engagement des représentants des 80 pays invités à augmenter les investissements dans les sciences et la technologie en vue de d’atteindre 0,7% du Produit Intérieur Brut des pays africains d’ici à 2020 d’une part, et, d’autre part, la création d’un Fonds continental de recherche et de développement doublé d’un mécanisme de financement et d’une coordination opérationnelle.
Promouvoir l’excellence au service de l’innovation
D’emblée, on relève l’intérêt de promouvoir le développement scientifique de l’Afrique dans un environnement où seul le Malawi investit 1% de son PIB dans la recherche et les sciences. Un taux qui reste bien loin de ceux de l’Europe (2%), des Etats-Unis d’Amérique (2,7%), de la Chine et du Singapour (2%).
Les promoteurs de la plateforme Next Einstein Forum soutiennent que la situation de l’Afrique ne pourrait durablement s’améliorer que si les mécanismes d’encouragement de l’excellence scientifique sont mis en œuvre. C’est cette préoccupation qui a conduit la plateforme à organiser une compétition en vue de sélectionner les meilleurs chercheurs jeunes (42 ans au plus), et par conséquent, détecter le prochain « Einstein qui pourrait être originaire de l’Afrique », comme le rappelle toujours le Sud-africain Neil Turok, initiateur du NEF et fondateur, en 2003, du réseau AIMS(African Institute of Mathematical Sciences).
A Kigali au Rwanda, l’un des plus grands rassemblements de scientifiques d’Afrique organisé par le NEF a réuni, en mars 2018, près de 1600 personnes (majoritairement jeunes chercheurs et scientifiques) autour de la vision que « la science permet de s’imposer sur la scène internationale » (Macky Sall et Paul Kagamé). En marge du grand concours qui a mobilisé 133 jeunes scientifiques africains pour six prix dans les secteurs du changement climatique, de la santé et de la technologie, les plénipotentiaires du NEF ont inscrit dans leur agenda, l’urgence de trouver des voies et moyens de réduire le déficit énergétique en Afrique dont le président de l’Initiative Terrawat, Wilfrid Lauriano do Rego, dit que seulement 40% de la population a accès à l’électricité. Next Einstein Forum se fait le devoir de mobiliser les jeunes chercheurs africains pour développer l’énergie solaire disponible en abondance.
Sur un autre plan, la plateforme Next Einstein Forum se donne l’ambition d’œuvrer à la création de meilleures conditions en vue du retour en Afrique d’une bonne brochette de jeunes ingénieurs, chercheurs et scientifiques qui font les beaux jours des instruments de l’innovation scientifique dans nombre de pays européens, américains et asiatiques. Selon le directeur de l’Institut AIMS, Thierry Zomahoun, « il y a autant d’ingénieurs africains aux Etats-Unis que dans toute l’Afrique ». L’Initiative Next Einstein Forum engage donc les pays africains bénéficiant d’une relative croissance (Nigéria, Ethiopie, Rwanda…) à investir davantage dans les universités et les structures de recherches (publiques et privées).
Cas pratiques
Dans cet ordre, les co-présidents de la communauté des scientifiques du NEF, Yabeba et Amna Abdalla, envisagent déjà un changement de paradigme pour les sciences africaines afin que dans un futur proche, on puisse observer, par exemple, que des chercheurs rwandais ont contribué à construire des ordinateurs quantiques à usage général ; qu’à l’aide du télescope Square Kilometer Array construit dans le désert de Karoo en Afrique du Sud, une équipe internationale a détecté un signal radio provenant d’une étoile suggérant fortement que la vie existe en dehors de notre système solaire ; qu’une équipe de jeunes chercheurs nigérians a produit de nouvelles semences de riz génétiquement modifiées qui devraient soutenir efficacement une nouvelle révolution verte en Afrique.
Mais, tout n’est pas noir sur le terrain de la recherche et de l’innovation en Afrique. Des performances isolées de jeunes chercheurs permettent d’envisager l’avenir avec optimisme. Au Nigéria, une jeune chercheure a utilisé les modèles mathématiques dans la fabrication d’un système pour améliorer la sécurité dans les mines. Au Kenya, une autre chercheure a développé, sur la base de la modélisation mathématique, un système de détection précoce de la malnutrition chez les enfants. Au Cameroun, un jeune ingénieur polytechnicien a inventé une tablette médicale, le Cardiopad, qui permet de réaliser des électrocardiogrammes et d’envoyer, via internet, les résultats à un cardiologue pour interprétation et prise en charge.
Des exemples et bien d’autres qui pourraient amener les porteurs de la plateforme Next Einstein Forum à se pencher, lors de la rencontre prévue à Nairobi au Kenya en 2020, sur la sempiternelle problématique du financement des questions de recherche et la valorisation des résultats au profit du développement de Afrique.
Pour rappel, l’Initiative Next Einstein Forum travaille à promouvoir l’appropriation des disciplines scientifiques au sein de la jeunesse pour contribuer à l’avènement de l’émergence de l’Afrique. Ce projet est monté autour du rayonnement du physicien américain d’origine allemande, Albert Einstein, Prix Nobel de physique en 1921 et père de la Théorie de la Relativité qui a révolutionné les applications de la physique dans de la recherche des solutions aux problèmes de l’Homme.