Les prélèvements publics en Afrique sur le secteur privé constituent l’essentiel des ressources budgétaires, au risque d’asphyxier les opérateurs économiques. Chaque année, le cabinet d’audit et de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC) et la Banque mondiale publient « Paying Taxes » pour mesurer le niveau d’imposition fiscale exercé sur les entreprises de taille moyenne dans le monde.
Le dernier baromètre de PWC, livré en novembre 2017, révèle que la moyenne du taux d’imposition appliquée aux entreprises du continent est fixée à 47,1%. Un chiffre médian qui cache de grandes disparités entre les pays. Le Lesotho (13,6%) et la Zambie (18, 6%) ne franchissent guère la barre de 20% de taux d’imposition, alors que des pays comme la Guinée équatoriale (79,4%) ou l’Érythrée (83,7%) flirte avec la barre des 80%. Les Comores affichent une improbable pression fiscale au-delà de 200% sur les entreprises établies sur son sol, selon « Paying Taxes 2017 ».
Des recettes fiscales faibles
La pression fiscale est exercée par l’imposition des bénéfices, les cotisations et charges sociales supportées par l’employeur, la taxe foncière, l’impôt sur la transmission du patrimoine, l’imposition des dividendes, etc. D’après Foly Ananou, statisticien économiste, il faut distinguer le taux d’imposition de la pression fiscale. « Au Sénégal, par exemple, le taux d’imposition moyen sur les entreprises s’établit à 48 % alors que la pression fiscale au Sénégal se situe à environ 20 % (Price Waterhouse Coopers et World Bank, « Paying taxes 2016 : Ten years of in-depth analysis »). Ainsi la faiblesse des recettes fiscales des pays africains par rapport à la taille de leur économie s’explique essentiellement par l’étroitesse de leurs assiettes fiscales », écrit le statisticien économiste sénégalais.
Quoi qu’il en soit, la fiscalité en Afrique constitue un frein à la croissance et à la performance des entreprises, selon un avis partagé par les patrons africains. Elle bloque par ailleurs l’entrée de certains acteurs de l’informel dans le secteur formel et réduit l’attractivité des économies africaines. Le plus difficile est certes le niveau d’imposition, mais le plus compliqué, ce sont les procédures et les délais de paiement. Il faut en moyenne 37 opérations et 306 heures à une entreprise pour s’acquitter de ses obligations fiscales annuelles. Ce sont ces pesanteurs, entre autres, qui plombent le classement des pays africains dans le Doing Business.
Renforcer la mobilisation des ressources internes
Si des efforts sont perceptibles pour moderniser les administrations fiscales, il serait difficile de pronostiquer une baisse de la pression fiscale au regard du contexte économique que traversent la plupart des pays africains en ce moment. La baisse des recettes générées par le recul du prix des matières premières les oblige à miser sur les ressources internes. Mais sans croissance et empêchés de poursuivre leur endettement par le Fonds monétaire international (FMI), les pays africains se sont tournés vers le secteur privé pour accroître les recettes budgétaires.
Pourtant, l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) relativise l’impact négatif de ce recours aux ressources budgétaires endogènes. Pour cette organisation, renforcer la mobilisation des ressources intérieures a des avantages au-delà de la perception des recettes. «Des institutions budgétaires plus solides peuvent améliorer la résilience de l’État et la gouvernance, et une administration de l’impôt efficiente peut avoir des retombées positives en termes de productivité des entreprises», note-t-elle dans un rapport d’analyse (publié en 2017) des grandes tendances des recettes fiscales et non-fiscales dans une quinzaine de pays africains sur la période 1990-2015.
Dans ce contexte, la compétitivité et la croissance des entreprises installées en Afrique se trouvent donc logées au carrefour d’une imposition intelligente, d’un élargissement de l’assiette fiscale et d’une simplification des procédures. L’OCDE constate que « si la mobilisation des recettes a connu une sensible et constante augmentation sur la période 1990 à 2005, les gouvernements africains ont encore de la marge pour améliorer la contribution des ressources fiscales à la croissance de leur PIB. » En effet, le ratio moyen impôts-PIB était estimé à 19,1% en 2015 en Afrique et, la même année, à 22,8% en moyenne dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes et à 34,3% dans les pays de l’OCDE.
Parfait N. Siki