L’industrie minière est un secteur économique clé en Afrique, où elle représente plus de la moitié du total des exportations pour de nombreux pays. Mais cette manne ne semble pas toujours profiter aux producteurs. Pour remédier à cette situation, et profitant de la remontée des cours de ces matières premières, d’aucuns ont cru nécessaire d’adopter de nouveaux codes miniers.

Les relations entre l’opérateur minier public congolais Gécamines et Glencore, le groupe suisse qui exploite les mines de cuivre et de cobalt de Kamoto et de Mutanda en République démocratique du Congo (RDC), ont connu une forte tension depuis le début de cette année. En effet, selon la Tribune Afrique, « le groupe étatique a assigné KCC «et son groupe d’actionnaires majoritaires contrôlé par Glencore » devant le Tribunal de commerce de Kolwezi (Katanga) ».

Les producteurs spoliés

D’après la Gécamines, Kamoto Copper Company aurait cumulé en quatre ans une dette commerciale de 4,4 milliards de dollars. Le gouvernement congolais accuse Glencore et son groupe d’actionnaires d’avoir spolié le pays et sa population. En effet, Jeune Afrique, citant un officiel congolais, rapporte qu’« en 2016,les sociétés internationales minières présentes au Katanga ont réalisé 2,6 milliards de dollars (2,11 milliards d’euros) de revenus, sur lesquels seulement 88 millions de dollars ont été versés à la Gécamines.

Un audit commandé par le gouvernement congolais et réalisé par le cabinet Mazars recense, entre autres méfaits causés par le groupe suisse : « des investissements surestimés, un surendettement entretenu artificiellement et une production minorée pour éviter de payer des taxes… ».

Cette situation a amené le gouvernement congolais à annoncer deux mesures fortes : un, la promulgation à brève échéance d’un nouveau code minier en vue de rééquilibrer le partage des revenus extractifs entre les investisseurs et l’État; deux, le lancement au second semestre 2018 de la renégociation de l’ensemble des conventions signées avec les dix-sept partenaires privés de la Gécamines. Kinshasa menace par ailleurs de reprendre les permis aux opérateurs si les négociations envisagées n’aboutissent pas.

Il faut rappeler que le gouvernement de la RDC, qui n’en est pas à la première réforme de son code minier, avait déjà exproprié le canadien First Quantum de ses mines au Katanga en 2009.

Les mauvais rapports entre les opérateurs et l’État ne sont pas spécifiques à la RDC. En réalité, dans de nombreux pays miniers, les opérateurs sont accusés, à tort ou à raison, de s’engraisser sur le dos des producteurs.

Pour un partage plus équitable des revenus

C’est donc dans ce contexte que, ici et là, on a entrepris de réviser le code minier, document qui régit la reconnaissance, l’exploration, l’exploitation, la détention, le transport, la transformation et la commercialisation des substances minérales, pour que les États producteurs ne soient pas spoliés de leurs ressources par les opérateurs.

Le ministre congolais des Mines, Martin Kwabelulu, ne s’embarrasse d’ailleurs pas de formules diplomatiques pour annoncer que le nouveau code minier de son pays va atteindre les opérateurs miniers présents en RD Congo comme « un feu de brousse », et qu’il va « leur falloir avoir des racines profondes pour survivre et renaître ».

Les propos de l’officiel congolais peuvent paraitre excessifs mais ils sont révélateurs d’un état d’esprit. En effet, d’une manière générale, dans les pays où les mines sont déjà exploitées, les nouveaux codes miniers ont pour ambition de faire jouer un rôle plus important aux pays producteurs dans ce secteur, de faire jouer au secteur minier un rôle dans le développement durable et soutenable du pays, d’améliorer la gouvernance et la transparence dans le secteur, de renforcer les mesures de protection et de préservation de l’environnement, etc. Dans le cas de la RDC, par exemple, l’une des mesures inscrites dans le projet du nouveau code minier prévoit de réserver 10 % de l’actionnariat à des nationaux congolais privés.

Dans certains autres pays, où l’activité minière est encore relativement embryonnaire, cas du Cameroun, il est souvent question, en plus de s’assurer du rôle de l’État, de présenter des conditions susceptibles d’attirer le plus d’investisseurs, avec l’espoir que l’exploitation minière crée des emplois, rapporte des devises et, in fine, joue un rôle décisif dans le développement du pays.

Les investisseurs reprochent cependant aux États qui initient des réformes de le faire sans interaction avec les miniers. Dans le cas de la RDC, certains opérateurs déplorent le fait que « les règles du jeu soient changées unilatéralement ». D’autres mettent en avant la corruption qui mine, pour ainsi dire, le secteur. On cite en exemple les scandales sur la manière dont les groupes étrangers comme Glencore et ENRC (aujourd’hui ERG) ont obtenu les licences d’exploitation en s’associant avec l’Israélien Dan Gertler.

Selon le Think Tank NRGI, qui prend appui sur le modèle congolais, il y a lieu de s’inquiéter par ailleurs du coût des procès en arbitrage international que risque d’entraîner l’adoption d’un code minier pas très bien ficelé sur le plan juridique, et des retards qu’ils pourraient entrainer. Par ailleurs, dans la plupart des nouveaux codes, il est laissé très peu de place à la transformation sur place des mines.

Ainsi donc, bien que de nouveaux codes aient été adoptés, l’exploitation des ressources minières au profit des pays producteurs reste encore un défi en Afrique.

 

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