Selon de défunt historien Joseph Ki-Zerbo, « c’est par son « être » que l’Afrique pourra vraiment accéder à l’avoir. À un avoir authentique ; pas à un avoir de l’aumône, de la mendicité (…). C’est pourquoi l’un des grands problèmes de l’Afrique, c’est la lutte pour l’échange culturel équitable. Pour cela, il faut ‘’infrastructurer’’ nos cultures.
Une culture sans base matérielle et logistique n’est que vent qui passe ». L’homme politique burkinabé théorise ainsi la nécessité pour le continent africain de travailler à donner une valeur économique à la création de ses produits artistiques et culturels.
En effet, de plus en plus, les produits artistiques et culturels issus des structures de production et de commercialisation représentent une part importante du Produit Intérieur Brut (PIB) et de l’emploi total des pays avancés, au point d’atteindre 5% du PIB aux Etats-Unis d’Amérique et de tendre vers 4,5% de l’emploi total au Royaume-Uni et 9% en Suède.
Nollywood à la table des grands
Dans cette logique, on peut relever que le Nigéria se présente comme un modèle dans la production et la commercialisation des produits culturels et artistiques en Afrique. Ainsi, grâce à Hollywood, ce pays occupe la position de deuxième puissance cinématographique au monde quant au nombre de films tournés, derrière l’Inde (Bollywood) et devant les Etats-Unis (Hollywood). De bonnes sources, Nollywood a pris de l’ampleur dans les années 1990, au moment où la télévision publique nigériane, victime des tensions politiques, libère de nombreux artistes et techniciens. Certains d’entre eux, alors au chômage, se sont investis dans la production des films indépendants à petits budgets. A titre d’illustration, le budget moyen d’un long métrage est de 12.000 euros et son tournage s’étale sur une semaine environ. De plus, la grande majorité des films est tournée en vidéo, et non en pellicule (trop chère), dans un décor naturel. La post-production du film (montage, mixage, étalonnage) est accélérée pour permettre la sortie rapide des produits dont la masse cumulée des publics atteint près de 150 millions de téléspectateurs. Ces films nigérians sont tournés en langues yoruba (plus de 50%), anglaise (25%) et haoussa (moins de 20%).
L’accompagnement de l’UNESCO
A l’échelle continentale, des initiatives sont prises ici et là pour mettre le riche capital culturel africain au service du développement économique. A cet effet, le lancement du projet United Cities and Local Government of Africa en 2005 est considéré comme un important levier de renforcement des capacités des gouvernements locaux en Afrique. Le portefeuille de ce projet inclut le Mozambique, le Sénégal, le Burkina-Faso, le Swaziland, le Niger, le Bénin, le Ghana, l’Ethiopie et l’Afrique du Sud.
Dans la même veine, le Réseau des villes de création lancé par l’Alliance mondiale de l’UNESCO connecte les villes de création pour qu’elles partagent leurs expériences, leur savoir-faire, les meilleures pratiques, la formation en compétences d’affaires et la technologie comme moyen pour promouvoir et soutenir le développement économique et social local par les industries de la création. Il faut préciser par ailleurs que la ville d’Assouan (Egypte) a été désignée par l’UNESCO comme première ville des arts populaires en 2005. Ici, un sous réseau des entrepreneurs et acteurs de l’industrie de la création est proposé pour permettre la création d’une communauté virtuelle dédiée au partage des connaissances, des expériences et des meilleures pratiques par l’internet.
Un Fonds spécial, pourquoi pas ?
Mais, la plus grande difficulté rencontrée dans le secteur de la production et de la commercialisation des produits artistiques et culturels repose sur le déficit de ressources d’accompagnement au niveau des Etats africains. D’où la nécessité de créer au niveau des Etats ou du continent africain, un Fonds spécial de soutien à ces activités qui, aujourd’hui, jouent une partition importante dans la construction des performances économiques des nations.
Toutefois, il est à noter qu’après la volonté politique affichée par les membres de l’Organisation de l’Unité africaine (devenue Union africaine) au sommet de Freetown en 1980, en faveur de la mobilisation durable des fonds au profit du financement des industries culturelles, d’autres sons de cloche ont résonné en Afrique australe. En effet, au terme des travaux de la Conférence interministérielle sur le rôle et la place de la culture dans le programme d’intégration de la Southern African Development Corporation(SADC) tenue au Mozambique en 2000, les Etats membres ont été invités à « prendre des mesures décisives vers la promotion des industries culturelles comme moyen d’exploiter leurs capacités à réduire la pauvreté, à créer des emplois et à contribuer à la croissance économique ». Une approche qui, somme toute, pourrait permettre à l’Afrique de tirer grand profit de la valeur économique de son capital culturel dans un monde où créer la richesse via la production et l’exploitation commerciale de la propriété culturelle est devenu un impératif.