Longtemps, les entreprises africaines se sont méfiées du recours au marketing ou à la publicité. Face à l’émergence d’une classe moyenne et à la concurrence des multinationales, des campagnes « typiquement africaines » ont vu le jour.
À l’affiche, un couple d’Africains tout sourire, vêtus de « boubous » brodés et perlés. Quelques semaines après que le Cameroun a célébré la Tabaski, l’opérateur de téléphonie mobile Orange Cameroun continue de paver les allées de la capitale politique Yaoundé avec des affiches publicitaires mettant en valeur les ressortissants de la région septentrionale du pays. Pour accompagner sa « Promo Tabaski », son concurrent MTN a opté pour le selfie d’un jeune homme et de son mouton. De plus en plus, le patrimoine culturel africain est mis en exergue dans les campagnes publicitaires. Autant par l’image que par le texte. Ainsi, des messages comme « On ne donne pas le lait », qui, en jargon typiquement local signifie « on ne blague pas », accompagnaient les affiches publicitaires de l’équipe nationale de football camerounaise qui se rendait à la Coupe d’Afrique des Nations 2017.
Un marché en expansion
Le marché de la publicité est en pleine expansion sur le continent africain. Dans son rapport Media Outlook 2017-2021, le cabinet PwC annonce que le secteur des médias et du divertissement a généré un revenu cumulé estimé à 16,11 milliards $ en 2016. L’Afrique du Sud continue d’être le principal marché subsaharien avec des revenus 2017 avoisinant les 9,8 milliards $. Pour confirmer l’attractivité du secteur, une récente étude du cabinet Ernst & Young dévoile que 86% des sociétés ayant déjà plusieurs activités sur le continent pensent que celle des États africains va s’améliorer dans les années à venir. Des multinationales spécialisées dans la publicité comme Ogilvy, McCann, Publicis Groupe y sont déjà présentes. À côté d’elles, de grandes agences africaines de la publicité se font un nom, notamment Karoui & Karoui, Voodoo, AG Partners et MW Marketing Services. Après plusieurs décennies d’absence, l’Afrique commence à se frayer un chemin dans cette course.
Premier levier de cette expansion, l’augmentation de la consommation qui avoisinera 410 milliards $ d’ici 2020. Avec un marché de 1,2 milliard de personnes, une population jeune grandissante, le continent est celui de toutes les opportunités. La classe moyenne, qui a été multipliée par trois ces 30 dernières années en Afrique subsaharienne, a eu des dépenses égales à 680 milliards $ en 2008, soit le quart du PIB de l’Afrique. D’après la Banque mondiale, ce chiffre atteindrait 2 200 milliards $, d’ici 2030. Les jeunes de 15 à 25 ans détiennent 50 % des revenus personnels dans la région. Ils sont plus enclins à l’achat, à la recherche de nouveauté et aux produits vus dans les publicités. Ils constituent donc une cible pour les stratégies marketing.
Un marketing aux couleurs locales
De plus en plus, les agences publicitaires africaines ont compris que pour qu’un message soit accepté et convaincant en Afrique, il doit intégrer des éléments d’histoire du pays, prendre en compte les traditions (locales ou religieuses), inclure des dimensions sociologiques du pays, accentuer l’attention sur la famille au lieu du produit et afficher des personnes propres au groupe cible. Résultat, la publicité africaine balance aujourd’hui entre modernité et tradition, car une publicité réussie est celle où le consommateur arrive à s’identifier à la marque.
En plus des médias traditionnels, le digital est mis à contribution. À l’heure où près de 3 milliards d’internautes sont présents sur les réseaux sociaux, de nombreuses entreprises veulent être visibles sur la toile. Certaines marques choisissent de s’associer à des influenceurs du continent pour promouvoir leurs produits. D’après PwC, la publicité digitale s’est développée deux fois plus vite que la moyenne mondiale (25% par an contre 13%) fin 2017 dans certains pays africains. Ce secteur pourrait alors peser un peu plus de 300 millions $ à la même date. La publicité connaît un essor fulgurant en Afrique de l’Ouest. Les entreprises de télécommunications réalisent 23% des investissements publicitaires globaux au Sénégal, devant les banques et assurances.
Une étude sur la publicité en Afrique publiée en juillet 2016 par Balancing Act note une effervescence des agences de publicité mondiales dans de nombreux pays d’Afrique au cours des cinq années précédent la publication de l’enquête. Tout d’abord, les analystes de marché confirment une amélioration de la qualité des campagnes publicitaires stimulée par la concurrence entre les agences et les annonceurs qui respectent les attentes locales. Ensuite, la Coupe du Monde de football FIFA 2010 a mis le continent en vedette pour les multinationales. L’Afrique du Sud a été la principale porte d’entrée de la publicité africaine. Le rapport de Balancing Act fait également des projections des revenus publicitaires d’ici 2020. Dans les années à venir, la libéralisation de nombreux secteurs, l’émergence de marques nationales, la régulation de la publicité, le besoin de diversifier les économies, la numérisation des médias via la TNT et les offres de TV payantes en plus d’internet vont obliger les économies africaines à réinventer leur manière de communiquer. Dans la même foulée, les annonceurs évalueront la performance de leurs campagnes publicitaires grâce à des outils spécialisés.
La région d’Afrique subsaharienne gagnerait dès aujourd’hui à utiliser les outils dont elle dispose au bon moment pour ne pas rater le coche du développement du marketing et de son économie.