La création locale d’une valeur ajoutée sur les richesses du sous-sol africain est sans doute la voie incontournable pour en tirer le meilleur parti.
La question de la transformation des minerais sur leur lieu d’exploitation n’est pas une problématique très populaire. Quand on parle de richesse du sous-sol en Afrique, les clichés renvoient aux conflits et au manque de transparence dans les industries extractives. Conséquence : ces dernières années, l’accent a été mis sur l’adoption de règles nationales et internationales pour condamner et punir les minerais de sang, mais aussi pour assurer une collecte transparente et un transfert dans les budgets des États des ressources issues de la vente des produits du sous-sol. L’Initiative de transparence dans les industries extractives (ITIE) et le Processus de Kimberley – consensus mondial pour empêcher le trafic de diamants issus de zones de guerre – participent de cette volonté de tracer les revenus miniers.
Tirer le meilleur parti des minerais
Chams Diagne, fondateur et président directeur général de Talent2Africa, observe à juste titre que les efforts pour tirer le meilleur parti des minerais ont été concentrés sur « la législation, surtout fiscale et des dispositions d’attraction des investissements; un cadre réglementaire clair et détaillé; la collecte transparente et efficiente des taxes et redevances ; la disposition et la gestion rationnelles des recettes budgétaires par les autorités publiques ; le développement social, économique et environnemental communautaire et régional dû à la chaîne des valeurs que représente le secteur minier. »
Les pays africains ont peu agi pour la transformation locale des richesses minières. Le constat fait par le Centre international pour le commerce et le développement durable montre un « secteur extractif africain faiblement intégré à l’activité socio-économique nationale ; des exportations de matières premières à faible ou sans valeur ajoutée ; des liens faibles en amont et en aval avec le reste de l’économie ».
S’insérer dans la chaine de valeur mondiale
Quelques entreprises existent pourtant, et qui montrent qu’une transformation locale des minerais permet la création d’emplois, le développement d’infrastructures et le transfert de technologie. Par exemple, depuis 1957, Alucam (Aluminum du Cameroun) fabrique de l’aluminium primaire pour l’exportation et produit aussi des tôles, des ustensiles et accessoires en aluminium. L’entreprise ne produit pas assez pour satisfaire toute la demande nationale, mais il existe sur les rives de la Sanaga à Edéa une usine locale qui dispose de l’ingénierie pour fournir les produits semi-finis et finis en aluminium. Le Botswana est aussi un exemple. Grâce à une joint-venture avec la société De Beers, diamantaire sud-africain, ce pays a fait du diamant, dont il est un grand producteur, le principal moteur de son économie, au point où cette pierre précieuse représente environ 70 % de ses recettes d’exportation et 50% de ses recettes publiques.
Il existe donc des possibilités pour les économies africaines de s’insérer dans la chaîne de valeur mondiale, « en renforçant leurs capacités dans des tâches spécifiques, sur une base concurrentielle mondiale ou dans le cadre d’une plus large stratégie de diversification à partir de leurs exportations de ressources », indique la revue « Passerelles ». L’Afrique pourra ainsi entrer plus facilement sur de nouveaux marchécfb2019s offrant des possibilités d’emploi productif et reprendre des filières mondiales à des pays comme la Chine, l’Inde et Taïwan, où le coût de la main-d’œuvre augmente ».
À cet effet, l’Union africaine a adopté en 2009 une Vision minière africaine (VMA) pour l’utilisation stratégique par l’Afrique de ses ressources minières pour assurer son développement inclusif. Cette VMA promeut, entre autres, la transformation et la valorisation locale des matières premières afin de constituer un capital humain, financier et institutionnel capable de survivre à l’épuisement de la ressource minière. Un plan d’actions de sa mise en œuvre est disponible, adopté à Lagos au Nigeria depuis décembre 2011.
Plusieurs pays se mettent même déjà en conformité avec le rôle transformationnel des ressources minières, grâce à des joint-ventures avec des grands groupes internationaux, au regard des coûts qu’exige l’exploitation minière. L’enjeu n’est pas des moindres : le sous-sol d’Afrique renferme les principales ressources minières dont l’économie mondiale a besoin pour continuer à s’alimenter.