Ces espaces économiques à régime spécial ont été mis en place dans les années 80-90 pour attirer des investissements, créer des emplois et développer les exportations sur le continent. Aujourd’hui, ils font toujours recette.

Du 20 au 22 septembre 2018 s’est tenue à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, la troisième rencontre annuelle de l’AFZO (Organisation africaine des zones franches). Le thème central était : « Contribution des zones économiques et zones franches dans le développement économique durable en Afrique ». Une trentaine de pays africains (sur une cinquantaine que compte le continent) y ont pris part, preuve que les zones franches sont l’une des réalités les mieux partagées en Afrique. Il existe même une surenchère d’image et de réputation entre certaines zones franches ou zones économiques qui font feu de tout bois pour chacune attirer le maximum d’investisseurs. En 2016 par exemple, la ZES (Zone économique spéciale) de Nkok au Gabon a organisé une campagne de communication sur sa distinction de « Meilleure zone franche pour les PME d’Afrique subsaharienne 2016 », attribuée par FDI Magazine, considéré comme la première publication mondiale en matière de classement des zones franches. Deux ans plus tard, en juillet 2018, Djibouti a inauguré la plus grande zone franche internationale en Afrique. Dénommée Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ), l’ouvrage a nécessité un investissement total de 3,5 milliards de dollars et s’étend sur une superficie de 4 800 hectares.

Djibouti, un hub logistique de l’économie mondiale

C’est la zone franche la plus aboutie sur le continent, avec de gros investissements de facilitation des affaires comme les trois nouveaux ports inaugurés en 2017 et une ligne de chemin de fer reliant Djibouti à l’Ethiopie. La mobilisation des dirigeants d’Afrique de l’Est pour l’ouverture officielle de la DIFTZ montre toute l’importance et la pertinence d’une zone franche. Le président djiboutien Ismaël Omar Guelleh, Paul Kagame du Rwanda, Omer El-Béchir du Soudan, Mohamed Abdullahi Mohamed de Somalie et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, tous de l’Afrique de l’Est, ont célébré « une victoire de la Corne de l’Afrique », devenue avec ce projet un « hub logistique de l’économie mondiale ». Le Maroc a toutefois une longueur d’avance avec la Tanger Med, un conglomérat de zones franches réparties par secteurs d’activité dans cette ville portuaire située dans le Détroit de Gibraltar. Distante de seulement 15 km des côtes espagnoles, Tanger a réussi à attirer plus de 800 entreprises qui représentent un volume d’affaires annuel de 6 400 millions d’euros dans différents secteurs tels que l’automobile, l’aéronautique, la logistique, le textile et le commerce. Tanger Med, créé en 2002, est un espace de 50 millions de mètres carrés de zones d’activités, 9 millions de conteneurs, 7 millions de passagers pour 3 500 millions d’investissements privés qui ont réussi à générer plus de 70 000 emplois.

Des régimes préférentiels comme levier du développement

Cependant, toutes les zones franches en Afrique ne sont pas des success-stories comme celle de Tanger ou de Djibouti. Parfois, la réussite escomptée n’arrive pas, car les espoirs ne se concrétisent pas. C’est le cas du Cameroun avec la mise en activité, par une ordonnance de 1990, de l’Office national des zones franches et industrielles (ONZFI). Cette structure n’est pas parvenue à organiser des espaces économiques à régime spécial pouvant attirer des investissements…, créer des emplois et doper les exploitations. Sa création était pourtant fondée sur l’espoir de conjurer les effets de la crise économique en aménageant une zone spéciale où les investissements seraient affranchis des contingences générées par les difficultés de financement de l’économie. Depuis le développement d’une nouvelle plateforme portuaire à Kribi, l’idée d’y installer des zones économiques a refait surface. Preuve que le pays n’a pas renoncé à dynamiser ses zones franches. C’est dans les années 80-90 que la plupart des pays africains qui en possèdent ont décidé de la création des zones franches. Ils se sont rendu compte que l’essence de leurs économies reposait sur des matières premières minières ou agricoles, elles-mêmes soumises aux aléas des marchés. Les zones franches peuvent donc être comprises comme la volonté des pays africains de se frayer un chemin dans la voie salvatrice de l’industrialisation. Profitant de leur façade maritime, plusieurs pays africains ont emboité le pas au Maroc en 1992, à la Tunisie et de l’Ile Maurice en amorçant une mutation de leur économie. Au début des années 2000, il y avait plus d’une dizaine de pays ayant adopté le régime des zones franches.

La ZLEC, une opportunité pour booster les zones franches

Les zones franches sont pour ces pays un levier de développement des compétences technologiques. « Un des principaux objectifs de la création des zones franches étant d’accroître les exportations, la plupart d’entre elles sont des enclaves bien délimitées, exonérées de droits nationaux à l’importation et à l’exportation, ou fonctionnent officiellement en dehors de l’espace douanier de leur pays d’accueil. Les gouvernements ajoutent souvent à ces privilèges d’autres avantages, tels que des incitations fiscales, réglementaires, administratives et financières », écrit l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). L’idée est de mettre en place un espace délimité bénéficiant d’un statut d’extraterritorialité dans lequel s’applique une législation particulière avantageuse pour les entreprises installées. Ces facilités visent à attirer des investisseurs rebutés par le climat des affaires général du pays : la fiscalité, les infrastructures, les lourdeurs administratives, la corruption, etc. En contrepartie, les pays comptaient sur les emplois créés, l’augmentation des exportations pour équilibrer la balance commerciale, le développement de leur commerce international. Car, les produits fabriqués en zones franches n’ont pas vocation à se retrouver sur le marché local pour ne pas déséquilibrer la concurrence. À l’application, le régime des zones franches n’a pas partout produit les mêmes résultats. On a déjà cité les cas de réussite de Tanger au Maroc, de Djibouti ou de Nkok au Gabon. Et les difficultés du Cameroun, qui ressemblent à celles du Kenya et du Nigeria. Mais l’Ile Maurice a transformé son économie grâce à sa zone franche qui lui a permis de développer le secteur textilehabillement. La Côte d’Ivoire a lancé en 2007 la zone franche de Grand Bassam pour le développement de son économie numérique. D’autres pays envisagent de redonner vie à leurs zones franches pour mieux s’insérer dans la zone de libre-échange continentale (ZLEC). Tout porte à croire que l’on est sur une dynamique plus payante.

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