La chute du prix du baril de pétrole en 2014 et ses conséquences désastreuses obligent à se tourner vers d’autres sources de richesse. Mais le changement est lent à venir.
La crise pétrolière de 2014 va marquer un tournant dans le développement des économies des pays producteurs des hydrocarbures, notamment de l’or noir. La baisse du baril du pétrole a complètement déstabilisé les fondements de l’économie et sapé la croissance au-delà des pays producteurs en plongeant toute l’Afrique dans une décélération qu’elle n’avait plus connue depuis les années 2000.
Selon un rapport de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, le continent a enregistré son taux de croissance le plus bas de la décennie, 1,7 % en 2016 contre 3,7 % en 2015. En 2016, la croissance dans le groupe des pays exportateurs de pétrole a affiché 0,8%. La croissance africaine est remontée à 2,7% en 2017, d’après les chiffres de la Banque mondiale, confirmant une timide reprise.
Malgré cette crise dont les effets ne sont pas effacés, la baisse souhaitée par les analystes de la part des hydrocarbures dans le produit intérieur brut (PIB) des Etats pétroliers ne s’est pas automatiquement produite. Le Nigeria est le symbole de cette velléité inaccomplie des Etats pétroliers africains à s’affranchir de la dépendance au pétrole. Le pays est redevenu premier producteur de pétrole africain, qui représente toujours, selon les chiffres officiels, 70% des revenus publics et environ 90% de ses recettes en devises. Avec une croissance très faible retrouvée, le Nigeria peut craindre chaque fluctuation du cours du baril de l’or noir qui agite son économie.
L’Angola a aussi subi de plein fouet la crise pétrolière. Jusqu’en 2014, ce pays cité en exemple de développement rapide avait des taux de croissance à deux chiffres : 20,2 % de 2006, au 24,4 % de 2007 et au 17 % de 2008. Pourtant, il est tout aussi dépendant aux ressources pétrolières (45% du PIB, 70% des recettes et 98% des exportations jusqu’en 2014). En 2016, la croissance angolaise peinait à 2% du PIB. Mais le poids du pétrole dans l’économie n’a pas sensiblement changé, la production par exemple demeurera à 1,7 million de barils/jour jusqu’en 2018. Pourtant, le discours officiel est à une diversification de l’économie.
L’Algérie ne s’encombre pas d’une ambition de diversification horizontale de son économie. Elle veut devenir un hub énergétique. Pourtant la crise pétrolière de 2014 l’a durement frappée, baissant de moitié ses 70 milliards de dollars de recettes pétrolières. A cette déconvenue, le pays a répondu en investissant davantage, par l’intermédiaire de la Sonatrach, dans l’exploration et la production pétrolière. Les hydrocarbures représentent près de 95% des exportations du pays. Grâce au relèvement des cours du brut enregistré depuis 2017, l’Algérie reprend espoir. Pourtant, si le baril ne remonte pas à 80 dollars, les prévisions du pays lui laissent craindre un déficit commercial continu pouvant l’exposer à une assistance du FMI à l’horizon 2020.
Le Congo est dans une situation quasi-similaire. Le pétrole représente 90% des exportations, 75% des recettes publiques et 60% du PIB. Le pays est empêtré dans une situation économique extrêmement difficile, mais il mise encore sur le pétrole pour s’en sortir. Le Tchad et la Guinée Equatoriale ne sont pas logés à meilleure enseigne, car le pétrole c’est 2/3 de leur PIB et près de 90% de leurs exportations.
À la différence de l’Algérie ou du Congo, le Gabon s’est résolument engagé dans la diversification de son économie afin de réduire la part du pétrole dans son PIB, qui représentait encore 27 % du PIB en 2016, mais il était de 45% en 2014. Selon les chiffres officiels, la reprise de l’activité au Gabon sera marquée par une croissance moyenne de 3,8% entre 2018 et 2020, en dépit du repli du secteur pétrolier (-0,9%).
De manière générale, les producteurs de pétrole africains montrent combien l’or noir reste prégnant dans leurs économies et que tant que l’argent du pétrole va couler, la diversification annoncée restera plus une intention.
Parfait N. Siki