En Afrique, les projets pour un développement vertueux et équilibré sont dans les bonnes grâces des investisseurs.

La loi, le fisc, les financements toutes ces fées de l’idéologie capitaliste sont penchées sur le sort de la planète bleue avec les meilleures intentions. C’est à la mode : rien n’est trop beau ni trop cher pour l’économie verte. L’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), en collaboration avec le bureau régional de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) d’Afrique de l’Ouest, a lancé en juillet 2019 un appel à projets destiné aux jeunes Burkinabé, Togolais et Béninois qui sont détenteurs de solutions pour le développement de l’économie verte. Le gagnant pourra toucher une enveloppe s’élevant 10 000 $US et son projet financé dans la foulée. 

Autre exemple : le Maroc, la Tunisie et l’Égypte sont les trois pays africains bénéficiaires de la deuxième phase de la Green Economy Financing Facility (GEFF), un mécanisme consacré à l’obtention d’investissements au profit de l’économie verte mis en place par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). La GEFF II dispose d’un financement total disponible de 400 millions $US à injecter dans des projets d’énergie durable, de conservation de l’eau, de gestion de déchets ou de développement de technologies vertes. 

Une plus grande rentabilité économique 

Emboîtant le pas au BERD, la Banque Africaine de Développement (BAD) est convaincue qu’à « l’heure actuelle, l’adoption d’un mode de développement vert induira probablement une rentabilité économique accrue, un accès plus abordable à l’énergie, une hausse des emplois, une réduction de la pauvreté et moins de pénurie des biens publics, une baisse des dépenses de santé. » Dans une publication de la BAD de 2016, intitulée « Assurer la transition du continent africain vers la croissance verte », la Banque fait observer que « des investissements verts dans la terre, l’eau et l’énergie entre 900 milliards et 1 700 milliards $US pourraient générer des rendements économiques compris entre 3 et 3,7 trillions $US par an.  

Mieux, écrit-elle, « investir 2 % du PIB mondial dans le verdissement des dix principaux secteurs économiques peut assurer à l’horizon 2050 une croissance économique au moins aussi élevée que le scénario optimiste généralement convenu, tout en créant des emplois, en réduisant la pauvreté et en évitant considérablement les risques écologiques et les pénuries liées aux effets du changement climatique (comme une plus grande pénurie d’eau et la perte de services écosystémiques). Par exemple, on estime en moyenne que le nombre d’emplois augmentera entre 0,5% et 2%, ce qui devrait se traduire par la création de 15 à 60 millions d’emplois supplémentaires à travers le monde, avec des gains en matière d’emplois plus élevés dans les pays en développement. » 

L’économie verte a donc depuis quitté le simple champ de la préservation de la planète pour s’installer dans celui d’une reconversion économique vers des énergies plus saines certes, mais aussi plus rentables pour tous. L’Afrique a eu du mal à se convertir à cette tendance, malgré les pressions tous azimuts pour verdir son économie, avec son lot de périls écologiques sur les populations et de restrictions en matière d’utilisation des ressources naturelles pourtant disponibles. Le débat a donc longtemps porté sur l’opportunité pour l’Afrique, continent pauvre mais « propre », à adopter une green attitude face à une Europe et une Asie qui ont assis leur développement économique sur une surexploitation de leur environnement. Elle a désormais compris qu’elle n’est pas condamnée à avoir un destin de pollueur pour assurer son développement, mais peut s’inscrire dans une logique de croissance verte. 

Une conversion perfectible 

La conversion de l’Afrique à l’économie verte n’est pas encore totale, mais est déjà visible par l’adoption d’instruments nationaux et sous-régionaux en faveur des initiatives qui visent à assurer une croissance vertueuse et durable pour le développement économique et social. Plusieurs pays africains disposent d’un ministère dédié aux questions environnementales, ont élaboré des lois et des stratégies pour promouvoir la préservation de la planète. Le Plan Stratégique pour l’émergence du Gabon lancé par le président Ali Bongo en 2010 s’appuie en effet en grande partie sur l’émergence d’une économie verte et responsable. L’Éthiopie dispose d’une Stratégie pour une économie verte résiliente au changement climatique, et le Mozambique, d’une « feuille de route pour une économie verte ». 

Mais il faut manifestement aller plus loin. Guy Stéphane DAGO, chef de projets durables, propose, dans une contribution pour Mediaterre, la « mise en place d’une fiscalité environnementale adaptée à l’essor des énergies renouvelables et à la protection des terres rares ». Et la « mise en place d’un cadre réglementaire et politique favorisant une réduction des coûts (baisse des taxes, subventions, etc.) pour les entreprises intégrant le développement durable dans leur process. » En effet, il est difficile de convertir les entreprises à la croissance verte si elles n’y trouvent un quelconque avantage. C’est ici qu’il faut reconnaître que peu de pays africains disposent d’une fiscalité qui encourage l’économie verte. Des mesures incitatives de ce type font encore leur classe. 

À l’exemple de la finance verte, qui a fait naître un nouveau produit financier qui attire les investisseurs : les « green bonds » (les obligations vertes). Après l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Maroc, le Kenya a lancé des obligations vertes. Ces sources de financement font fureur auprès des souscripteurs qui viennent acquérir une conscience verte, car ces fonds verts sont investis pour des projets dans l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique.  

Il faut donc s’adapter à la nouvelle inflexion de l’économie mondiale, en rendant les lois et l’environnement en mesure de capter les opportunités que l’économie verte génère. Comme pour le Doing Business, les pays doivent mettre en place un cadre législatif et des incitations diverses pour les investisseurs. Sur un projet vert, il est aujourd’hui plus facile de mobiliser des fonds, surtout quand des institutions financières comme la BAD ou la Banque mondiale y sont associées. Ainsi, une centrale solaire ou une centrale hydroélectrique auront plus de cote qu’une centrale à fioul lourd et décrocheront des financements même les plus importants. Comme au Cameroun, où la Société financière internationale a conduit un groupe d’investisseurs à mobiliser 1,2 milliard d’euros pour la construction du barrage hydroélectrique de Nachtigal qui produira 420 MW soit 30% de la production énergétique actuelle du pays. 

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