Face à l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique, les ménages africains ont de plus en plus tendance à recourir au solaire domestique, une solution qui, il y a quelques années, était encore l’apanage des plus nantis. Aujourd’hui, on assiste à une véritable révolution dans ce secteur : de nombreux fournisseurs locaux proposent des kits et des abonnements abordables aux populations rurales. L’adhésion des habitants laisse présager le développement d’une filière majeure pour les investisseurs.

En raison de l’importance du secteur de l’électricité pour le développement de l’économie mais aussi pour la vie des ménages, les pays africains investissent depuis plusieurs années d’importantes ressources pour améliorer l’offre en énergie électrique. Force est cependant de constater qu’en dépit de ces efforts, cette offre est encore insuffisante et, en tout cas, pas en mesure de satisfaire quantitativement et qualitativement une demande sans cesse croissante du fait du développement économique et de la croissance démographique. L’essentiel de la production étant absorbé par le secteur industriel, il n’en reste pas assez pour satisfaire les ménages 

Si le problème se pose dans les villes, il est encore plus préoccupant en milieu rural qui, pour une grande part, n’est pas desservi par le réseau électrique. 

En plus de l’insuffisance de l’énergie électrique, se pose le problème de la qualité de service. Les consommateurs de cette denrée se plaignent non seulement des délestages réguliers et intempestifs, mais aussi des tarifs jugés trop élevés par rapport au pouvoir d’achat des populations. 

La solution de l’énergie solaire  

Pour faire face à l’insuffisance de l’offre d’énergie électrique, la solution préconisée est la diversification, notamment en recourant à l’énergie solaire. Celle-ci est alors apparue comme un don du ciel, d’autant plus que, au regard des statistiques disponibles, les pays africains disposent d’une irradiation solaire extrêmement importante :  on y enregistre en moyenne 3000 heures de soleil par an, soit au moins six heures par jour. 

Il faut relever que les solutions institutionnelles envisagées jusqu’ici dans le domaine de l’énergie solaire consistent essentiellement en la construction de grandes centrales photovoltaïques pouvant alimenter collectivement une importante frange de la population. Aux dires des experts, de plus en plus d’Africains privilégient désormais l’option « hors-réseau » pour installer l’énergie solaire à l’échelle locale et nationale. Cette forme d’énergie représente un marché potentiel de 600 millions de personnes sur l’ensemble du continent africain.  

D’importants investissements sont effectués depuis quelques années qui permettent une augmentation sensible de la production de l’énergie solaire photovoltaïque. C’est ainsi que PEG Africa, une entreprise spécialiste de l’énergie hors réseau, qui impacte plus de 200 000 personnes et a l’ambition de fournir de l’énergie solaire à 500 000 consommateurs supplémentaires hors réseau mal desservis en Afrique de l’Ouest, a réalisé en 2017 une levée de fonds de 13,5 millions de dollars. Des solutions de même nature sont proposées au Maghreb avec le projet Desertec et le projet Desert to Power soutenu par la Banque Africaine de Développement (BAD) et l’International Solar Alliance (ISA). Objectif : construire 10 000 mégawatts de systèmes d’énergie solaire à travers le Sahel, dédiée à la fourniture de l’électricité à plus de 250 millions de personnes. 

L’IRENA (Agence Internationale des Énergies Renouvelables) soutient qu’à la fin de l’année 2015, l’Afrique disposait de 2 100 MW d’installations solaires photovoltaïques installées, 65% de cette capacité étant concentrée en Afrique du Sud, 13% en Algérie et 9% à la Réunion. 

Le solaire domestique change la donne 

Les grandes centrales photovoltaïques ont certes contribué à améliorer l’offre en énergie électrique, mais pas suffisamment pour satisfaire la totalité de la population. Nombreux sont en effet qui ont dû rechercher des solutions individuelles pour avoir accès à l’énergie électrique. Aidés en cela par une évolution technologique importante qui va permettre aux individus d’accéder au solaire photovoltaïque en acquérant des kits conçus à cet effet pour une alimentation domestique en électricité. 

Relativement simple, le kit solaire photovoltaïque domestique est généralement constitué d’un panneau solaire relié à une batterie et à un contrôleur de charge. Les populations vivant en zones rurales non connectées au réseau, ainsi que les populations connectées au réseau mais souffrant de ses défaillances, acquièrent ce kit solaire, également appelé « Solar Home System » pour couvrir les besoins tels que la recharge d’un téléphone portable, l’éclairage, voire une télévision ou un petit réfrigérateur.  

Une étude de l’Institut Montaigne indique que sur le seul premier semestre 2018, 3,66 millions de produits solaires « off-grid » ont été vendus dans le monde, dont 2,7 millions de lampes solaires et 395 000 kits de type « Solar Home System » pour une capacité totale de 26,43 MW. 40 % de ces produits (soit 1,5 million) ont été vendus en Afrique subsaharienne.  

Des opportunités d’investissement 

Les panneaux solaires sont produits principalement par la Chine, l’Allemagne et les États-Unis. Mais, à elle seule, la Chine assure 80% de la production mondiale des cellules photovoltaïques. De grandes marques internationales font produire leurs modules en Asie pendant que d’autres y réalisent une étape de montage.  

 S’agissant des coûts jusque-là très élevés, on assiste à une tendance baissière qui permet de mettre ces kits à la portée des ménages moyens. Au Sénégal, Solar-Ka développe une stratégie qui a pour objectif de proposer directement aux citoyens africains de bénéficier de l’énergie solaire. Dans la plupart des villes africaines, des commerces relativement modestes mettent en vente des kits dont les prix descendent souvent jusqu’à 30000 F CFA (environ USD 60). Par ailleurs, ces kits peuvent facilement être installés et entretenus par des techniciens qui nont pas besoin dune grande expertise 

L’étude de l’Institut Montaigne montre que des opérateurs, tirant profit du fort taux d’équipement des populations africaines en téléphonie mobile, plutôt que de demander aux clients de financer l’acquisition des kits, ce qui représenterait un effort financier trop important pour eux, financent eux-mêmes les kits et les mettent à la disposition de leurs clients, lesquels remboursent en payant le temps d’utilisation via leur smartphone, exactement de la même façon qu’ils achètent leur crédit téléphonique. 

 

C’est ainsi que des entreprises telles que M-Kopa, Fenix International ou Off-Grid Electric sont parvenues à installer respectivement 700 000, 250 000 et 150 000 kits solaires notamment au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda ou en Zambie. Ce faisant, elles ont donné accès à l’électricité à des millions de bénéficiaires.  

 

Mais il faut dire que, bien que les prix des kits aient sensiblement baissé et que les populations adhèrent de plus en plus à cette solution, le solaire domestique pour tous est encore loin d’être une réalité, probablement parce qu’il repose essentiellement sur les importations des kits.  

Par ailleurs, d’après l’IRENA, les systèmes photovoltaïques domestiques sont actuellement associés à des batteries plomb-acide qui ont une durée de vie limitée (3 ans) et sont moins performantes que les batteries lithium-ion dont le coût initial constitue encore une barrière pour le marché africain. La baisse des coûts de ces batteries lithium-ion pourrait, selon les experts de l’Agence, permettre leur déploiement à plus grande échelle sur le continent et y renforcer la compétitivité des systèmes photovoltaïques domestiques. 

Au final, l’importance croissante du marché du solaire domestique en Afrique ouvre, il va sans dire, d’importantes possibilités d’investissement, notamment au vu du développement de la classe moyenne, y compris en zone rurale. Construire sur place des unités bénéficiant des avantages fiscaux qu’offrent la plupart des États pour produire ces kits avec des business models adaptés à leur environnement économique, pourrait constituer de bonnes opportunités d’affaires pour les investisseurs 

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