Alors que le président américain Donald Trump fulmine à tout va contre différents traités signés par ses prédécesseurs, un regard plus posé permet de conclure qu’un mode sans frontières douanières et tarifaires absolu n’existe pas vraiment et les théoriciens du libre-échange n’y changeront malheureusement rien. Plusieurs de ces pratiques commerciales dites « libres » sont en effet cernées par des accords bilatéraux ou multilatéraux, soumises à différents contrôles et inspections, saupoudrées de mesures d’exception et entravées par des barrières de toute sorte. Mais quand ces fameuses dispositions contraignantes sont levées, on peut en sortir gagnant, croient certains experts.

Un schéma de libre-échange se caractérise par une disparition totale des barrières aux échanges et veut dire un retrait complet de l’État de l’environnement économique, c’est-à-dire l’absence de toute implication politique publique, créatrice de distorsion et a posteriori, source de concurrence déloyale.

Pour les tenants de la théorie de l’ouverture complète et totale des frontières, comme l’analyste canadien Martin Masse, « le libre commerce est une bonne chose, il encourage une division du travail bénéfique pour tous en permettant aux pays, régions et entreprises de se concentrer sur la production de biens et services où ils ont des avantages comparatifs. Un pays qui élimine toutes ses barrières au commerce en sort gagnant, même s’il est le seul à le faire. Ses consommateurs peuvent profiter d’importations moins chères (à cause de tarifs nuls mais aussi parce que les subventions à l’exportation profitent, en bout de ligne, aux consommateurs des pays qui importent), ses entreprises sont incitées à être plus compétitives et à mieux utiliser leurs ressources, et l’efficacité générale engendrée par l’absence de distorsions fait en sorte de rendre son économie beaucoup plus productive que celle de ses concurrents. »

Un libre échange sous conditions

Mais l’Organisation mondiale du commerce (OMC) elle-même se méfie de ces dispositions. À la base, le système commercial de l’OMC est fondé sur le fait que des échanges plus libres favorisent la croissance économique et le développement. Dans ce sens, le commerce et le développement sont mutuellement avantageux. Pour l’organisme international cependant, tout dépend véritablement de ce que les pays sont disposés à négocier les uns avec les autres, des concessions mutuelles qu’ils sont prêts à faire, de ce qu’ils veulent demander et offrir. Cela signifie clairement tenter d’établir un commerce équitable.

Et ici, l’OMC précise que son rôle est de servir de cadre à la négociation de la libéralisation. Elle fixe également les règles régissant le déroulement de la libéralisation. Les règles prévues par les accords permettent une réduction progressive des obstacles, de sorte que les producteurs nationaux puissent s’adapter. Les accords contiennent aussi des dispositions spéciales qui tiennent compte de la situation des pays en développement. Ils précisent également quand et comment les gouvernements peuvent protéger leurs producteurs nationaux, par exemple contre des importations considérées comme injustement bon marché car bénéficiant de subventions ou faisant l’objet de “dumping”.

À partir du moment où le gendarme du commerce mondial propose des cadres de discussions et des dispositions réglementaires, c’est qu’il y a des loups et des requins de la finance et du commerce qui se font la part belle. Voilà pourquoi il est d’autres principes dans le système de l’OMC qui sont tout aussi importants, voire plus importants, que la libéralisation des échanges. Par exemple, la non-discrimination et la mise en place pour le commerce de conditions stables, prévisibles et transparentes.

Les pays pauvres… restent relativement pauvres

Pour Hunter Wade, professeur d’économie à la London school of economics, « la levée des barrières douanières des pays en développement pourrait favoriser leurs exportations. Mais affirmer qu’ils en tireront un très grand profit, c’est exagérer les rentrées d’argent et omettre certains coûts, ou manques à gagner. Comme les droits de douane qui peuvent représenter jusqu’à 20 % des recettes de certains États. Il faudra les remplacer par d’autres impôts, sur la consommation ou sur le revenu, qui auront des effets non négligeables sur le niveau de vie, donc sur la consommation et la croissance. Autre oubli notoire, les conséquences du non-protectionnisme sur un secteur industriel naissant et encore fragile. Dans un système totalement libéral, le principe de l’avantage compétitif voudrait que les capitaux et les emplois circulent librement pour aller s’exprimer dans le secteur où ils sont le plus utiles. Malheureusement, ce schéma ne fonctionne que dans un monde idéal où le plein-emploi est assuré. » Et de conclure à regret : « Qu’il faille amener les nations riches à réduire leurs barrières douanières et les pays en développement à se montrer plus réceptifs aux produits occidentaux peut paraître évident. Hélas, cela ne suffira pas. Les pauvres continueront à payer la facture. »

L’Afrique tient à sa ZLEC

Entre autres solutions cependant, la fameuse Zone de libre échange continentale (ZLEC) porte un ensemble d’espoirs. Lors du dernier sommet de l’Union africaine (UA), le président nigérian Muhamad Buhari affirmait : « Nous devons accélérer la mise en place de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), qui rendra l’Afrique plus intégrée, plus unie et plus prospère. » Le projet, comme le définissent les experts de l’UA, « vise à regrouper tous les pays africains – soit 1,2 milliard de personnes et un PIB combiné supérieur à 3,4 billions $US – en un marché continental unique pour les biens et services, comprenant la libre circulation des gens d’affaires et des investissements afin d’assurer l’expansion du commerce intra-africain. »

En sachant que l’Afrique a une grosse faiblesse au niveau de son commerce intra régional avec 18%, contre 70% pour l’Europe, 55% en Amérique du Nord, 45% en Asie et 35% en Amérique latine, selon les analystes de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, « la ZLEC pourrait accroître le commerce entre les pays africains de 35 milliards de dollars, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport aux niveaux actuels ». Elle fera de l’Afrique la plus grande zone de libre-échange du monde en termes d’États membres. Et ces derniers en profiteront sans aucun doute.

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