Du riz en plastique sur le marché. Pas moins. La polémique enfle depuis quelques semaines au Cameroun et fait les choux gras de la presse locale en même temps qu’elle mobilise l’opinion. Le sujet, en lui-même, est, pour dire le moins, ultrasensible. Et pour cause : parce qu’il ne coûte pas très cher, le riz est l’une des denrées alimentaires les plus couramment consommées dans le pays, notamment dans les villes. Ici, comme ailleurs, tout ce qui touche à l’alimentation doit être appréhendé avec la plus grande attention.

Tout est parti d’une information véhiculée par les réseaux sociaux. Deux entreprises ayant pignon sur rue étaient accusées de vendre sur le marché camerounais du riz en matière plastique. La nouvelle s’est alors répandue telle une trainée de poudre, créant la psychose au sein de la population qui craignait ainsi d’avoir ingurgité un produit toxique.

Face à cette situation, les pouvoirs publics ont dû mobiliser tous les moyens nécessaires pour dissiper la folle rumeur. Mais, si la tempête ainsi provoquée est retombée, il reste que cette « affaire » pose de manière plus générale le problème de l’importation massive du riz au Cameroun. Pourtant considéré comme un grand pays agricole et mamelle nourricière de la sous-région Afrique centrale, ce pays a importé 728 443 tonnes de riz en 2017 pour un coût de 183,7 milliards de F CFA. Ce qui, comme on peut l’imaginer, contribue gravement à déséquilibrer sa balance de paiement.

Il en est du Cameroun comme de bon nombre de pays africains qui importent massivement du riz pour satisfaire les besoins alimentaires de leur population. En plus du riz, ces pays importent aussi, entre autres denrées, de la farine de blé ou de froment utilisée dans la préparation du pain, du maïs, etc. Selon la BAD, « le coût annuel des importations alimentaires en Afrique se chiffre à 35 milliards de dollars soit environ 17 500 milliards de F CFA, et l’on prévoit une augmentation de ce montant à 110 milliards de dollars d’ici 2025 ».

En plus de favoriser l’évasion des ressources financières dont les pays ont pourtant cruellement besoin pour leur développement, l’importation de ces produits constitue, à n’en point douter, une bombe à retardement pour la plupart d’entre eux: la moindre augmentation du prix du pain peut ouvrir la voie à une grave crise sociale. Il en est de même pour le riz. Pour s’en prémunir, à la suite des émeutes de 2008, qualifiées d’émeutes de la faim, un pays comme le Cameroun a dû prendre des mesures de défiscalisation pour un certain nombre de denrées de première nécessité parmi lesquelles le riz, ce qui a permis de maintenir les prix à un niveau relativement                      «acceptable ».

Il va sans dire que de telles mesures, si elles permettent, d’une certaine manière, de soulager de manière ponctuelle le portefeuille des populations les moins nanties, et donc d’éviter des crises sociales, peuvent cependant causer un important manque à gagner pour les caisses de l’État. De l’avis de certains économistes, ces mesures peuvent même s’avérer contre-productives à plus ou moins brève échéance, si l’on n’y prend garde.

Le problème se pose donc de savoir si les États concernés ne peuvent pas eux-mêmes produire ces denrées ou, à défaut, trouver des produits de substitution pour les remplacer. S’agissant particulièrement du riz, force est de constater que les pays tropicaux qui en sont aujourd’hui de grands importateurs, sont capables en principe de le produire sur place. D’ailleurs, certains le font déjà, sauf que les quantités produites sont généralement faibles et donc insuffisantes pour satisfaire les besoins du marché. Comble de paradoxe, certains pays, où l’État a cédé de larges étendues de terre aux Chinois pour cultiver du riz, en sont devenus exportateurs, alors même que la demande locale est loin d’être satisfaite.

Le Sénégal, le plus grand importateur de riz en Afrique, lui semble avoir emprunté la bonne voie. Le Gouvernement de ce pays a en effet, à travers le PNAR (Programme National d’Autosuffisance en Riz), entrepris de porter sa production de riz blanc de 600 000 à 1 080 000 tonnes pour couvrir la demande nationale à l’horizon 2018. Même si cette production n’a pas tout à fait permis de réduire les importations de cette denrée, il y a tout lieu de saluer la politique volontariste de Dakar en la matière. Un exemple à suivre par la plupart des pays qui optent pour la facilité et se contentent d’importer du riz de Thaïlande, de l’Inde ou de Myanmar.

Pour ce qui est du pain, si l’on considère que la production du blé pose problème dans la plupart des pays tropicaux, force est cependant de relever que des produits de substitution existent qui pourraient utilement aider à limiter considérablement les importations de farine de blé ou de froment. Des denrées telles que le manioc, la patate et la banane plantain, peuvent, de l’avis des experts, être utilement mises à contribution et remplacer la farine de blé pour faire du pain. Des expériences allant dans ce sens ont déjà été menées avec succès dans nombre de pays, mais l’on tarde encore à franchir le Rubicon.

La Banque Africaine de Développement (BAD) a, pour sa part, depuis longtemps compris l’impérieuse nécessité pour les pays africains, non seulement de produire ce qu’ils consomment, mais aussi et surtout de produire des quantités plus importantes afin de satisfaire une demande sans cesse croissante et, ensuite, amorcer la transformation sur place de la production. Elle a ainsi fait de l’agriculture sa « plus haute priorité ». D’où son engagement, entre autres, à verser 24 milliards de dollars pour soutenir ce secteur sur une période de 10 ans, en se focalisant principalement sur l’autosuffisance alimentaire et sur l’industrialisation agricole. En 2017, elle a lancé l’initiative Technologies pour la transformation de l’agriculture en Afrique (Taat), dotée d’un milliard de dollars. Une voie dans laquelle les pays africains ont intérêt à s’engager s’ils veulent atteindre l’autosuffisance alimentaire et prétendre à l’émergence économique.

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