Les difficultés d’insertion des jeunes et la problématique de l’emploi constituent, de l’avis des experts, un enjeu fondamental des pouvoirs publics partout dans le monde, une véritable urgence au regard de l’incapacité des États à créer des emplois. Si le problème est mondial, il se pose davantage en Afrique. Et, au-delà des préoccupations économiques et sociales, le défi de l’emploi des jeunes est, sur le long terme, une clé pour la stabilité sociale et économique des États.

Dramane Haïdara, expert de l’Organisation internationale du Travail (OIT), indique qu’en 2013, le monde compte 75 millions de jeunes au chômage. 38 millions de ces jeunes chômeurs vivent en Afrique. En tout, l’Afrique compte 200 millions d’habitants âgés de 18 à 24 ans, soit 40% de la population active. Le taux de chômage parmi cette population est le double de celui des adultes. Ces jeunes sans perspectives professionnelles constituent, aux yeux de l’analyste de l’OIT, une « génération perdue, menaçant la cohésion sociale ».

Une situation préoccupante

Selon une enquête réalisée par la Banque mondiale, environ 40% de ceux qui rejoignent des mouvements rebelles et terroristes seraient motivés par le manque d’emplois. Pour les acteurs et observateurs de l’économie africaine, cette jeunesse désœuvrée constitue à terme « une bombe à retardement ».

Le problème du chômage des jeunes n’a pas cessé de s’aggraver au cours des dernières années. L’Afrique du Nord, avec presque 30% de jeunes au chômage – 41% pour les jeunes femmes -, connaît le taux de déficit d’emplois le plus élevé dans le monde.

Tout aussi préoccupante est la situation dans les pays de l’Afrique subsaharienne. Selon la Banque mondiale, la jeunesse compte pour 60% de l’ensemble des chômeurs dans cette zone. Avec chaque année, près de 10 à 12 millions de jeunes arrivant sur le marché du travail, la tendance n’est pas près de s’inverser. Ces jeunes désœuvrés constituent, à n’en point douter, des proies faciles pour des mouvements tels que Boko Haram.

D’énormes difficultés d’insertion professionnelle

Selon les experts, les économies des divers pays africains n’ont pas permis de faire face au boom démographique. Même la fonction publique, plus grande pourvoyeuse d’emplois dans la plupart des pays, n’offre plus que très peu d’opportunités.

Dans le secteur privé, la situation n’est guère meilleure et ne peut donc pas grand-chose pour résorber l’abondante main d’œuvre qui arrive chaque année sur le marché du travail. Parmi ces jeunes désœuvrés, une grande majorité de jeunes diplômés à la fois de plus en plus nombreux et aussi de plus en plus d’un niveau d’études de plus en plus élevé.

Selon les projections de la Banque mondiale, entre 1999 et 2009, le nombre des diplômés en Afrique du Nord et Afrique subsaharienne a plus que triplé, passant de 1,6 million à 4,9 millions. Ils seront 9,6 millions en 2020, 13 millions en 2030. Or, notent les observateurs, la plupart de ces jeunes choisissent des filières saturées telles que les sciences sociales, plutôt que des formations techniques, à la sortie de l’université. Conséquence : beaucoup se retrouvent au chômage ou dans le sous-emploi.

 Changer le boom démographique en dividende démographique

Les experts lient le phénomène du chômage et du sous-emploi des diplômés de l’enseignement supérieur à l’inadéquation entre l’offre et la demande, entre les formations proposées par les universités africaines et les besoins du marché de l’emploi. C’est ce qui fait dire à Dramane Haïdara, que cette inadéquation est l’une des causes majeures de la crise de l’emploi en Afrique.  L’expert de l’OIT relève pour le déplorer que « les économies africaines sont rurales à 80%, et pourtant, il n’y a pas un seul lycée agricole digne de ce nom en Afrique ». 

Pour résoudre ce problème, Dramane Haidara appelle les gouvernements africains à s’attaquer sans tarder au chantier de l’éducation pour professionnaliser l’enseignement et orienter les étudiants vers des formations techniques qui les préparent moins pour une carrière salariale que pour des activités entrepreneuriales.

L’OIT présente l’auto-emploi comme « la voie du salut » et souligne Ia nécessité de « changer de paradigme » afin de transformer le boom démographique que connaît le continent en un « dividende démographique ». Ceci ne pourra se faire, selon cette institution, que si des investissements nécessaires sont faits en amont en termes d’éducation, de formation professionnelle, de santé et d’emploi.

Problème préoccupant s’il en est, le chômage des jeunes est abordé de diverses manières par les États: des observatoires, des fonds d’appui budgétaire pour la création d’emplois jeunes, des programmes d’acquisition de compétences professionnelles. Mais les résultats de ces initiatives se font encore attendre.

Pendant ce temps, en plus des risques d’implosion sociale, ils sont nombreux les jeunes gens qui vont grossir les rangs des groupes rebelles, mettant ainsi en danger la stabilité des États.

Marc OMBOUI

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