Aliko Dangote, qui a fait fortune dans le ciment, et dont l’empire ommercial englobe également la minoterie, l’agriculture et l’immobilier, va construire pour environ 15 milliards $ la raffinerie de pétrole la plus importante d’Afrique, dans la zone de libre-échange de Lekki, à Lagos.
Le projet du groupe Dangote est, à plus d’un titre, extrêmement important. D’abord de par son coût : 15 milliards $. Les besoins de financement de cet ambitieux projet se chiffrent à environ 10 milliards $. Selon l’agence Reuters, Aliko Dangote a déclaré en juillet dernier avoir déjà collecté plus de 4,5 milliards $ des 15 milliards requis pour ce projet. L’industriel compte avec une assurance certaine sur l’apport de divers bailleurs de fonds. Déjà, le 14 juillet dernier, il a signé un accord de prêt de 650 millions $ avec Afrexim Bank, la banque africaine d’import-export
Une raffinerie digne du plus grand producteur de pétrole du continent
Le Nigeria est le plus grand producteur de pétrole brut d’Afrique. Il est donc tout à fait compréhensible qu’il abrite aussi la plus grande raffinerie du continent. Mieux encore, en raison du mauvais état de fonctionnement de ses quatre raffineries publiques, le pays importe, comble de paradoxe, la quasi-totalité de son essence. Par ailleurs, l’insuffisance et la mauvaise qualité de l’alimentation en électricité obligent les familles et les entreprises à compter sur des générateurs. En construisant cette raffinerie, Dangote compte répondre aux besoins en carburant de la nation la plus peuplée d’Afrique. Elle va considérablement réduire les importations de pétrole raffiné du Nigeria qui est, avec ses 180 millions d’habitants, la première puissance économique du continent. Pour certains spécialistes, le Nigeria devrait même passer du statut d’importateur de produits raffinés à celui d’exportateur, notamment dans la sous-région.
Une valeur ajoutée à l’économie nigériane
L’importance de la méga raffinerie de Dangote va au-delà du raffinage du pétrole. « En fait, le gaz de notre gazoduc augmentera l’approvisionnement
en gaz domestique et nous estimons que 12 000 MW supplémentaires de production d’énergie peuvent être ajoutés à la grille avec le gaz supplémentaire de notre système. Nous ajouterons de la valeur à notre économie, car tous ces projets créeront environ 4 000 emplois directs et 145 000 emplois indirects », a affirmé Aliko Dangote. En plus de la raffinerie, le projet intègre la construction d’une usine pétrochimique, ainsi qu’une unité de production d’engrais qui devront également contribuer à satisfaire la demande locale. En termes de revenus, on s’attend à ce que la raffinerie de Lekki permette au Nigeria d’économiser annuellement plus de 7,5 milliards $, grâce à la substitution des importations, tout en générant 5 milliards $ annuels supplémentaires grâce aux exportations de produits pétroliers raffinés, d’engrais et de produits pétrochimiques, notamment vers ses voisins d’Afrique. On comprend alors pourquoi Abuja se montre prompt à apporter tout son soutien à ce projet. Si l’achèvement mécanique de la raffinerie est prévu pour décembre 2019, sa mise en service, quant à elle, devrait intervenir début 2020. Un calendrier qui, selon certains experts, serait difficile à tenir. Dans sa conception, la gigantesque raffinerie de Dangote se veut un modèle unique en son genre, en raison notamment de la chaîne d’approvisionnement, si l’on en croit les cadres du groupe. Elle veut être indépendante de tout type d’approvisionnement extérieur de brut. En fait, elle est conçue pour traiter tout le brut africain, une partie du brut du Moyen-Orient et le brut américain. L’installation sera en mesure de traiter différentes qualités de pétrole brut, y compris le schiste bitumineux. La future raffinerie devrait jouir d’une grande flexibilité, ce qui va lui permettre, en fonction des prix en vigueur sur le marché, de s’approvisionner en brut de différentes sources pour avoir un coût très optimal, soutiennent les responsables du Groupe.
Un projet de référence
Pour les observateurs, la raffinerie de Dangote est un projet de référence, et son aboutissement pourrait inspirer le développement des raffineries africaines afin de réduire la dépendance des pays producteurs aux exportations de pétrole brut et à l’importation des produits raffinés.
«Pour les observateurs, la raffinerie de Dangote est un projet de référence»
Cette raffinerie, il va sans dire, va booster les actifs du groupe, et donner un coup d’accélérateur aux affaires de d’Aliko Dangote. Le richissime nigérian a perdu 54 places dans le dernier classement des plus grosses fortunes au monde réalisé par le magazine américain Forbes. Il est ainsi passé de la 51e
à la 105e fortune de la planète. Selon Forbes, « la richesse de Dangote a diminué de 15,4 milliards $ en 2016 à 12,2 milliards $ cette année, en raison de la dévaluation de la monnaie du Nigeria ». Cependant, l’homme trône toujours – et de loin – au sommet des plus grosses fortunes africaines. Pour les observateurs, il est à peu près certain que les multiples acquisitions et projets lancés par son conglomérat ont eu un effet sur sa valorisation. Dangote a en effet multiplié les rachats et les annonces de grands projets entre 2016
et 2017 qui touchent plusieurs secteurs. En plus du ciment et des matériaux de construction sur lesquels il a assis sa prospérité, il a notamment racheté l’usine du constructeur automobile français Peugeot, au Nigeria, et investi un milliard $ dans la filière rizicole
Dangote, un groupe bâti sur du solide
En une trentaine d’années, Aliko Dangote a connu une ascension inégalée dans le monde des affaires et de l’entreprise. Son groupe est implanté dans une vingtaine de pays africains. Ses activités vont de l’agroalimentaire (sel, sucre, farine, riz, pâtes…) à Il a su chaque fois adapter sa stratégie et commencer à produire et exporter un certain nombre de marchandises (textiles, noix de cajou, gomme arabique…). S’agissant en particulier du ciment, quand le gouvernement décide de n’importer que le vrac et de l’ensacher sur place afin de localiser une partie de la production au Nigeria, Dangote dispose alors de cinq terminaux. Profitant de sa position dominante, il va se constituer une importante rente. Lorsque le président Olesegun Obasanjo lance son programme de privatisation, Aliko Dangote prend le contrôle de la Benue Cement Company. Il consolide ses positions par la construction de la cimenterie d’Obajana, l’une des plus grandes du monde en capacité. Aujourd’hui, Dangote contrôle environ 70 % des capacités de production de ciment au Nigeria qui demeure par ailleurs son principal marché. Le groupe s’est implanté dans d’autres pays africains et s’est lancé dans une série d’investissements à l’étranger. Le Ghana, l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Cameroun, la Tanzanie, le Congo-Brazzaville, l’Éthiopie, la Zambie abritent des sites de production de ciment. Le groupe envisage des investissements ailleurs, y compris hors du continent africain, au Népal. Son investissement dans le secteur du pétrole devrait lui permettre de monter encore plus haut.
Marc OMBOUI