La mondialisation de l’économie et l’intégration des marchés qui en résulte s’accompagnent d’un profond changement des structures, en lien avec le progrès technique. Dans ce contexte, les entreprises font face au quotidien à de nombreux défis, dans divers domaines. Il leur est cependant très difficile d’affronter toutes seules, et de manière isolée, ces défis ; d’où l’importance de la coopération entre ces entreprises, dont la forme initiale est la joint-venture ou coentreprise. Dans ce cadre, deux ou plusieurs personnes ou sociétés passent un accord dans le but d’un partenariat limité et temporaire, chacun des partenaires apportant les ressources nécessaires à la réalisation de l’objectif assigné.
Pourquoi donc développer de tels partenariats avec les entreprises africaines ?
Premièrement, parce qu’au cours des périodes récentes, on a considéré que l’Afrique constitue la nouvelle frontière pour les investisseurs internationaux. Deuxièmement, parce que le continent regorge de nombreux entrepreneurs et dirigeants d’entreprises, de plus en plus jeunes, compétents, et ouverts sur le monde. Troisièmement, parce qu’on retrouve déjà sur le sol africain, des joint-ventures qui opèrent, dans divers secteurs d’activités.
L’Afrique, comme nouvelle frontière pour les investisseurs internationaux : c’est d’abord un important potentiel de croissance à moyen terme. Dans les perspectives économiques de l’Afrique 2019 de la Banque Africaine de Développement (BAD), il ressort qu’entre 2010 et 2014, la croissance économique moyenne du continent s’est située à 4,7%. Après le ralentissement observé en 2015 (3,5%) et 2016 (2,2%), il y a eu un regain de l’activité, avec une croissance qui a atteint 3,6% en 2017 et 3,5% en 2018. Les perspectives indiquent une accélération en 2019 et 2020, avec des projections de 4% et 4,1% respectivement. La BAD estime que cette croissance, bien qu’inférieure à celle de la Chine, devrait être supérieure à celle d’autres pays émergents ou en développement. C’est ensuite une démographie galopante, la population du continent représentant 16% de la population mondiale, avec une projection de 25% en 2050. C’est aussi une classe moyenne en plein développement, que la BAD estime à 34% de la population du continent, avec une perspective de 42% en 2060. C’est enfin une forte urbanisation (56% de la population concernée d’ici à 2050). Tout cela induit des besoins énormes en investissements dans certains secteurs comme l’agro-alimentaire, les infrastructures, le transport, l’énergie, l’éducation et la formation professionnelle, la santé, et le numérique, dans lesquels des joint-ventures peuvent efficacement se développer.
De plus, avec le récent lancement de la Zone de Libre-échange Continentale (ZLEC), c’est un vaste marché de plus d’un milliard de consommateurs qui s’ouvre désormais aux entrepreneurs de divers pays. En même temps, il s’agit d’un marché dont les caractéristiques sont quelquefois peu ou mal connues des opérateurs lointains. Il en est ainsi des législations, des contraintes administratives, des différences culturelles ou commerciales, des réseaux de distribution, etc. Aussi, la coopération avec des partenaires locaux, sous la forme de joint-ventures, constitue-t-elle le moyen idoine de pénétrer ledit marché, pour tirer profit de son étendue et de ses perspectives de développement. La gouvernance régionale est également à prendre en considération, en ce qu’elle se consolide, avec notamment l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) dont la mission est l’intégration juridique des États membres, en vue de garantir des conditions d’investissement favorables aux entreprises.
Comme réservoir d’entrepreneurs et dirigeants d’entreprises compétents, l’Afrique se distingue par une jeunesse de plus en plus dynamique dans les affaires, qui prend des risques et participe à la création d’entreprises tournées vers la résolution des problèmes auxquels elle fait face au quotidien. Les plus prometteurs sont mis en exergue depuis quelques années déjà à travers le classement FORBES qui, dans son édition 2018, identifie 30 jeunes Africains qui participent activement à la transformation de l’Afrique. Les secteurs dans lesquels ils exercent sont variés. Ils concernent l’immobilier, les services financiers, l’industrie, les médias, la technologie, l’agriculture, la mode, etc. Ce sont là autant d’opportunités pour les investisseurs étrangers désirant opérer en Afrique à travers des joint-ventures.
L’existence de partenariats opérationnels dans de nombreux pays du continent confirme l’Afrique comme une terre de joint-ventures. En effet, depuis une vingtaine d’années, l’on y enregistre une montée en puissance des coentreprises dans divers secteurs d’activité. Dans ce registre, la Chine affiche une présence de plus en plus marquée. Dans le secteur des télécommunications, la société ZTE a ainsi signé des accords de partenariat en 2001 et 2005, respectivement avec l’OCPT en République Démocratique du Congo, et l’entreprise publique locale Mundo Startel en Angola, visant à améliorer l’accès à la téléphonie mobile dans chacun de ces pays.
Dans le secteur de l’automobile, l’entreprise Dongfeng d’une part, GS Automoveis et Nissan d’autre part, se sont constituées en 2007, en une joint-venture d’une capacité de 30000 véhicules par an en Angola. Il en est de même du secteur du ciment, qui fait aussi l’objet d’appétit de la part des investisseurs chinois, qui se sont lancés dans des joint-ventures, en 2005 au Congo Brazzaville (coentreprise entre la Société Nationale Chinoise des Travaux de Ponts et Chaussées, et la SONOCC), et en 2006 en Angola (coentreprise entre The Chinese Jasan Co et Cimenterie de Kicombo en Angola).
La Chine n’est cependant pas seule dans cette compétition sur le sol africain. On y retrouve également d’autres géants mondiaux de l’industrie et des services, à l’exemple de l’américain Walmart dans une joint-venture avec la société sud-africaine Massmart, ou encore des compagnies britanniques British Petroleum et norvégienne Staoil, associées à la société nationale SONATRACH en Algérie. En juillet 2018, DHL Global Forwarding (fournisseur international de services de fret aérien, maritime et routier) et Ethiopian Airlines ont signé un accord, en vue de la création d’une coentreprise basée en Ethiopie, et annoncée comme la plus grande société de fret en Afrique.
Dans la plupart des cas ci-dessus, la forme choisie est la joint-venture classique, ou Equity Joint-Venture (EJV), c’est-à-dire une coentreprise qui est constituée à travers un capital mis en commun, et dans laquelle les partenaires partagent les fonctions de gestion et supportent le risque financier de l’investissement ou du projet concerné.
Les investisseurs étrangers pourraient donc exploiter la piste de la coentreprise, pour s’engager sur le sol africain. Les raisons pour une telle option ont été présentées, de même que les secteurs qui, aujourd’hui, constituent les priorités de l’Afrique.
Cependant, les investisseurs étrangers ne sont pas les seuls à tirer profit de la création de ces coentreprises. Les pays africains eux-mêmes peuvent également y trouver leur compte. En effet, la joint-venture véhicule d’importants flux financiers qui constituent autant de revenus distribués dans les pays d’accueil. Elle permet, en outre, la création d’emplois, favorise en même temps un transfert de technologie et de savoir-faire nécessaires à la transformation structurelle des économies africaines. Finalement, elle apparaît comme un instrument de coopération « gagnant-gagnant », entre les investisseurs étrangers et les pays africains.
Dieudonné BONDOMA YOKONO
Président du Conseil d’Appui à la Réalisation des Contrats de Partenariat (CARPA) Cameroun.