Marc OMBOUI 

Le 13 juin dernier, Google, le géant américain du numérique, annonçait, la création imminente cette année à Accra, la capitale du Ghana, d’un Centre de recherche en intelligence artificielle (IA). Baptisé Google AI, ce centre sera dédié à la recherche sur l’intelligence artificielle et ses applications. Le moteur de recherche devrait, selon les patrons du projet, réunir les meilleurs chercheurs et ingénieurs en apprentissage automatique. 

Comme il fallait s’y attendre, l’annonce de Google a frappé la plupart des esprits du monde du numérique. Et pour cause, le géant américain n’avait jusqu’ici créé des centres de ce type que dans des villes de la taille de Paris, Zurich, Tokyo, Beijing, Montréal, Toronto, Seattle, Cambridge/Boston, Tel Aviv/Haifa, New York, et San Francisco. C’est donc pour la première fois qu’il allait s’installer en terre africaine. 

Mais, il faut bien le dire, l’intérêt de Google pour le continent noir ne date pas seulement d’aujourd’hui. En effet, en 2016, dans le cadre de son programme de formation aux techniques numériques, il avait déjà annoncé son intention de « former un million de jeunes africains afin de leur donner les moyens de maitriser le monde numérique ». Cet objectif, croit-on savoir, a été atteint au bout de 12 mois. Les spécialistes renseignent qu’aujourd’hui, deux millions d’Africains ont déjà bénéficié des formations de Google qui, par ailleurs, accompagne 100 000 développeurs africains et plus de 60 start-ups technologiques dans le cadre de son programme Launchpad Accelerator Africa. 

Selon certaines sources, Google compte d’ailleurs aller plus loin. Il entend poursuivre son « programme de formation offline destiné aux étudiants, aux demandeurs d’emploi et aux chefs d’entreprise, en proposant des formations en face à face assurées par ses partenaires, ainsi que l’organisation régulière des rencontres afin d’encourager la participation sur le thème de la valeur d’Internet au niveau communautaire ». Google se montre même plus ambitieux puisqu’il envisage maintenant de former 10 millions d’Africains aux technologies du numérique.  

La question se pose de savoir pourquoi ce regain d’intérêt du géant du numérique pour un continent qui, il y a quelques décennies, était resté à la remorque de l’évolution technologique. La réponse, Jeff Dean, Senior Fellow, Google AI, et Moustapha Cissé, Staff Research Scientist et responsable du Google AI Center Accra, la donnent dans une note d’information citée par TIC Mag, ainsi qu’il suit: « Nous avons constaté depuis quelques années que la recherche sur l’apprentissage automatique suscitait un intérêt croissant à travers le continent. En effet, les responsables du mastodonte américain ont observé au cours des événements tels que le Data Science Africa 2017 qui s’est tenu en Tanzanie, et le 2017 Deep Learning Indaba, organisé quant à lui en Afrique du Sud, et les differents Indabax tenus en 2018 dans plusieurs pays, que « la communauté des chercheurs en informatique était en pleine expansion en Afrique ». Pour nombre d’observateurs, « la créativité africaine est dopée par l’intelligence artificielle ». C’est donc ce qui a amené Google à créer le centre de recherche à Accra. Pour ces recherches qui seront spécialisées dans la santé, l’agriculture et l’éducation, le géant d’Internet a lancé dans la foulée sur les réseaux sociaux un appel à candidatures à destination des chercheurs en « machine learning ». 

Jeff Dean et Moustapha Cissé, dont on dit qu’ils ont en commun un lien personnel avec l’Afrique, pour avoir vécu, pour le premier en Ouganda et en Somalie, et grandi, pour le second, au Sénégal, s’engagent à « travailler en collaboration avec les universités et les centres de recherche locaux, ainsi qu’avec les décideurs, sur les applications possibles de l’IA en Afrique ». 

L’intérêt de Google pour l’Afrique n’est pas, loin s’en faut, le fait du hasard. Des applications d’intelligence artificielle, créées par des Africains eux-mêmes, font leur apparition en Afrique dans l’éducation, l’environnement, la santé, etc. Ce qui a pour conséquence d’attirer un certain nombre d’opérateurs internationaux. L’on assiste pratiquement à une « course à l’écosystème » de grands groupes, tels Facebook ou IBM, très actifs pour identifier et accompagner les start-ups dans leur démarche d’intelligence artificielle. 

Pour se développer, les jeunes start-uppeurs africains participent à des hackatons, des compétitions d’innovation internationales, ce qui permet de voir émerger des acteurs entrepreneuriaux qui se prennent en main. 

Faudrait-il alors se méfier de l’arrivée massive des grands groupes en Afrique? Pour le mathématicien français Cédric Villani, médaille Fields 2010, à la tête d’une mission parlementaire sur l’intelligence artificielle, et qui s’est investi au sein des Instituts africains des sciences mathématiques (AIMS) et dans le Next Einstein Forum, à Kigali, au Rwanda, les grandes plates-formes offrent un avantage : elles proposent à ces entrepreneurs du « All included », du « Tout intégré ». En d’autres termes, quand IBM, Facebook ou Amazon dispense une technologie, l’entreprise peut en même temps fournir le programme, les conditions et les produits qui vont bien avec. Cédric Villani explique qu’en proposant cette approche globale à un entrepreneur, le groupe l’intègre de fait dans une communauté, un écosystème. « Ce n’est pas juste un contrat sur un projet », soutient-il. 

Cependant, suggère l’homme de science, il est nécessaire que toute cette activité rentre dans un système et que le continent mette ses institutions d’équerre au plan politique, éducatif et universitaire. 

 

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