L’avènement de la Zone de libre-échange africaine (ZLEC) est censé améliorer l’attractivité économique de l’Afrique auprès des investisseurs multinationaux qui pourront désormais accéder à un immense marché soumis à une législation intégrée. La porte devrait ainsi s’ouvrir à plus d’investissements directs étrangers (IDE).
De l’avis général, il y a un intérêt croissant des investisseurs tant africains qu’étrangers dans l’exploitation des possibilités d’investissement sur le continent africain. Et pourtant, comme le relève la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), bien que les perspectives soient bonnes, l’Afrique est encore perçue comme un continent à risque pour les investisseurs.
Abolir les barrières douanières entre les 55 pays du continent
Il va sans dire que cette image de continent à risque nuit énormément à la capacité de l’Afrique à exploiter son potentiel en matière d’investissements. Or, il y a, ainsi que le relève la CEA, un réel besoin de continuer à promouvoir les flux entrants d’investissements et, en particulier, les investissements directs étrangers et les investissements intra-africains pour appuyer l’intégration régionale et la transformation structurelle des économies du continent.
C’est dans ce contexte que la Zone de libre échange (ZLEC) entre en scène. La ZLEC est conçue pour apporter des solutions à deux types de problème : la taille du marché, d’une part, et, de l’autre, l’harmonisation des législations.
S’agissant tout d’abord de la taille du marché, il faut dire que la ZLEC constitue la première étape d’un processus qui doit aboutir dans dix ans à la création d’un marché unique africain. Les Africains rêvent en effet de voir abolies les barrières douanières entre les 55 pays du continent en vue de mettre fin à la fragmentation économique observée actuellement au sein des grandes régions africaines.
Le magazine Jeune Afrique voit dans l’avènement de la ZLEC une chance pour l’affirmation du poids économique de l’Afrique sur l’échiquier mondial : « quand le continent négocie d’une seule voix, il pèse près de 3000 milliards $US de production – ce n’est pas la même chose que 55 entités qui s’époumonent », soutient-il.
Avec la ZLEC, on peut s’attendre à une modification notable des structures commerciales. Et Jeune Afrique d’ajouter qu’« une grande zone non tarifaire devient attrayante pour les investissements directs étrangers, mais également pour les petites et moyennes entreprises qui peuvent entrer dans des chaînes de valeur transfrontalières ou sous-régionales à l’abri de la concurrence mondiale ».
Avis partagé par le président nigérien, Mahamadou Issoufou, qui affirme : « Avec cet accord, les entreprises africaines seront plus compétitives et pourront satisfaire la consommation intérieure, mais aussi répondre aux besoins de cette classe moyenne en pleine expansion et rendre le continent plus attrayant ».
Un marché de plus d’1,2 milliard de consommateurs
La ZLEC est en effet censée jouer un rôle primordial dans la « création d’un marché continental unique de biens et de services avec libre circulation des hommes d’affaires et, en particulier, des investissements, ouvrant ainsi la voie à l’accélération de la mise en place d’une union douanière continentale et l’atteinte d’une communauté économique africaine », souligne la CEA. Avec cette zone de libre-échange, le développement des exportations entre les pays africains pourra se faire à un moindre coût.
Il faut dire que jusqu’ici, à l’image des pays eux-mêmes, les économies africaines sont balkanisées et les marchés extrêmement étroits. Ce qui constitue un handicap majeur pour les investisseurs. La création des zones économiques régionales a commencé à élargir ces marchés, mais cela est encore loin d’être suffisant.
L’objectif de la ZLEC étant de dynamiser le commerce intra-africain en supprimant les barrières douanières, ceci pourrait faire de l’Afrique un vaste marché d’1,2 milliard de consommateurs dont le PIB cumulé avoisinerait 2 500 milliards $US avec, en plus, une remarquable croissance de la classe moyenne. Les investisseurs étrangers et africains pourraient trouver ici des opportunités plus intéressantes de fructifier leurs investissements.
Une aubaine donc pour l’Afrique. Illustration : les responsables de la Commission éthiopienne des investissements, qui enregistrent 2,2 milliards $US d’IDE au cours du premier semestre de l’année 2018, annoncent déjà que la ZLEC stimulera davantage l’investissement en Éthiopie, en l’ouvrant sur un vaste marché.
Harmoniser les législations
Les spécialistes soutiennent que l’une des conditions nécessaires au déploiement efficace et compétitif d’un marché international d’échange et d’attractivité commerciale est l’existence d’une cohérence juridique entre les États concernés, notamment en matière de droit commercial. Ceci passe par une harmonisation juridique qui implique le transfert des compétences étatiques à une organisation internationale dotée de pouvoirs de décision et de compétences supranationales ou supra étatiques, en vue de réaliser un ensemble juridique unique et cohérent dans lequel les législations s’insèrent pour atteindre les objectifs économiques et sociaux que les États membres se sont assignés.
S’agissant de l’Afrique, en plus d’offrir un marché plus vaste aux investisseurs, la ZLEC peut établir une législation plus intégrée, des règles de jeu plus équitables et une règlementation prévisible et non discriminatoire. Toutes choses susceptibles d’attirer les capitaux étrangers.
La ZLEC devrait, par ailleurs, introduire un certain degré de protection interne en faveur des productions africaines. Cela permettra, de l’avis des experts, de contrebalancer le rôle dominant joué par certains pays dans les chaines de valeur et la propriété intellectuelle.
Pour la CEA, la création de la ZLEC offre des possibilités d’harmonisation des systèmes réglementaires pour le développement des infrastructures. Dans le secteur de l’énergie, par exemple, soutient cette institution, cette harmonisation peut avoir lieu en même temps que les efforts à l’échelle du continent pour l’intégration régionale, notamment la Zone de libre-échange continentale.
La ZLEC encourage la participation des investisseurs privés dans le secteur de l’énergie dans la mesure où elle assure un haut degré de certitude et de prédictibilité concernant l’accès aux lignes de transmission, au flux de revenu et à la résolution de toute dispute pouvant survenir.
Au total, en offrant un marché plus vaste, la ZLEC va rendre l’Afrique plus économiquement attractive pour les IDE. Mais pour y arriver, il va falloir préalablement régler la difficile équation de l’harmonisation des législations, notamment en matière commerciale.