Hier considérée comme un vaste territoire où les Occidentaux pouvaient s’approvisionner uniquement  en matières premières du sol et du sous-sol, l’Afrique devient, de plus en plus, une plateforme alléchante pour les investisseurs étrangers du fait de son dynamisme économique. Sa démographie galopante – plus de 1,2 milliard d’habitants- et le rapide développement de sa classe moyenne la transforment  en un vaste marché. Mais, il devient impératif  pour les pays africains, de mettre en avant leur ordre de priorités de développement dans les négociations avec les partenaires financiers.

Sans qu’il soit toujours tenu compte des priorités de développement des pays africains, les segments  d’activités économiques telles que la grande distribution tenue par les étrangers prospèrent en Afrique ces dernières années. Les concessionnaires d’automobiles d’Asie et d’Europe multiplient leurs comptoirs sur le continent. Les partenaires financiers du continent africain se pressent, souvent,  de débloquer des financements pour la construction des autoroutes, infrastructures de luxe pour nombre d’Africains. Sont-ce de vraies urgences pour le développement d’une Afrique où presque tout est faire sur les plans du désenclavement et de l’amélioration des conditions de vie des populations ?

Recours aux Plans d’Urgence

Selon les experts,  le continent africain  n’investit dans les infrastructures que l’équivalent de 4% de son Produit Intérieur Brut (PIB). Face aux bailleurs de fonds plus inclinés vers le financement de projets  parfois  sans  impact sur la satisfaction des besoins réels des populations , les pays africains, individuellement,  sont obligés de prendre l’option d’inscrire dans leur budget, des lignes pour financer les projets de développement  endogènes.  Dans l’univers des finances publiques africaines, naissent des politiques économiques endogènes articulées sur des objectifs stratégiques adaptés aux pays.

Ainsi, au Sénégal, sur un budget de 3709,10 milliards de FCFA pour l’exercice 2018, le ministère des infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement reçoit une dotation de 214,100 milliards de F CFA dans laquelle sont consolidés les investissements publics programmés dans la cadre du Plan Sénégal Émergent. Ces provisions budgétaires permettront également de prendre en charge les projets d’infrastructures ferroviaires et routières comme l’autoroute Thiès-Touba, la route des Niayes, la boucle du Blouf et l’acquisition des bus dédiés au transport urbain de masse.

Dans le même ordre d’idées, au Cameroun, en réponse aux besoins prioritaires en infrastructures que les effets de la violente crise économique des années 80 n’ont pas permis  de réaliser,  les pouvoirs publics ont lancé  en 2014 un Plan d’Urgence Triennal (PLANUT)  de 925 milliards de FCFA pour la période 2015-2017. Le PLANUT, grâce au concours du budget de l’État et à l’apport d’un consortium de banques implantées au Cameroun, vise à accélérer la croissance économique du pays, à porter le taux de croissance au moins à 6% dès 2015, à engranger dans les années à venir d’autres gains substantiels d’augmentation des différentes productions et de la richesse nationale.

Les pays africains qui mettent en œuvre ces  formules de financement  endogènes du développement  trouvent donc une voie  pour éviter les conditionnalités des partenaires bilatéraux et multilatéraux en s’appuyant sur le secteur privé qui, de plus en plus, place une confiance certaine dans les principaux acteurs des politiques publiques en Afrique.

Priorités malgaches financées par les U.S.A.

Il ne faut néanmoins pas  conclure  que les pays africains  opèrent  un repli sur eux- mêmes en matière de recherche de ressources pour le financement des projets adaptés aux attentes de leurs populations.  L’Agence Française de Développement(AFD), la Banque Africaine de Développement(BAD), la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International(FMI), la Banque Islamique de Développement(BID), Exim-Bank China et les grands pays donateurs, entre autres, continuent d’accompagner les efforts de développement des pays africains dans tous les secteurs névralgiques à travers des prêts et des dons. Ce,  sans  faire ombrage aux  initiatives nationales  africaines de montage des projets.

Lorsque l’État  de Madagascar, en 2005,  demande à bénéficier du nouveau programme américain d’aide complémentaire- le Millénium Challenge Account-, il choisit d’innover en consultant les groupes de la société civile, les milieux d’affaires locaux et les associations de paysans. Au terme de l’exercice, paysans et chefs de petites entreprises  retiennent  deux problèmes à résoudre pour améliorer le quotidien des populations : difficulté d’accéder aux   crédits auprès des banques  et d’obtenir les titres fonciers officiels.   Les pouvoirs publics malgaches soumettent  ces propositions,  enrichies des avis de la base,  aux États-Unis d’Amérique.  Le projet est validé  et   Madagascar devient  le premier pays au monde dont la demande de  financement  au programme américain est approuvée pour un montant de 110 millions de dollars (environ 55 milliards de FCFA),  sur une période de quatre ans.

Au final, l’exemple de Madagascar peut conforter dans l’idée que les pays donateurs devraient fournir une aide économique adaptée aux priorités de développement définies par les pays africains eux-mêmes. Au cours d’une visite officielle effectuée aux États-Unis d’Amérique, le président sud-africain d’alors, Nelson Mandela, situait fort opportunément le partenariat financier scellé entre Madagascar et  le « pays de l’Oncle Sam » dans le cadre d’une « relation plus positive entre l’Afrique et l’Ouest ».

Jean-Mathias KOUEMEKO

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