Après de longues années au cours desquelles un véritable culte a été voué à l’aide publique au développement (APD) comme moyen d’aider les pays pauvres à rattraper leur retard sur les pays développés, un nouveau paradigme semble aujourd’hui faire l’unanimité : les partenariats et les investissements sont considérés comme les moyens de conduire les pays africains vers l‘émergence économique.
Une politique aux objectifs multiples
L’histoire de l’aide publique au développement remonte au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’économiste Pierre Jacquet présente l’APD comme « un vecteur d’intérêts politiques et stratégiques étroitement lié à la reconstruction de l’après-guerre, à la guerre froide et à la décolonisation ». Inspirée du Plan Marshall, elle consiste pour les pays riches à venir en aide aux pays démunis en vue de leur permettre de se développer.
Par la suite, au tournant de la décennie 1960, l’aide publique va être réorientée vers la réduction de la pauvreté, « une obligation morale » des pays riches envers les pays pauvres. Ceci se traduit par l’adoption d’une recommandation de l’Assemblée générale des Nations unies en 1970 : 1 % du produit intérieur brut (PIB) des pays donneurs, dont 0,7 % pour l’aide officielle, doit être consacré à l’aide publique au développement.
Dans les années 1980, pour soutenir les pays en bute à une crise économique aiguë, l’aide publique est réorientée vers la restauration des grands équilibres macroéconomiques.
L’efficacité de l’aide en question
Parallèlement à ces évolutions, le débat fait fureur qui tend à mettre en cause l’efficacité de l’APD. Alors que l’Afrique a reçu plus de 1000 milliards de dollars US d’aide depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, on constate que, parce qu’elle n’a pas pu atteindre ses objectifs, la politique de l’aide publique au développement est généralement perçue comme un échec.
Pour certains hommes de science, cet échec est loin d’être une surprise. Helmer (2009) fait valoir que « l’aide crée une dépendance perpétuée par les dirigeants africains, les organismes d’aide, les ONG et les gouvernements occidentaux qui semblent profiter de l’image victimaire de l’Afrique pour garder les robinets d’aide ouverts ».
Certains autres affirment que « l’aide dans sa nature et dans son esprit n’est pas destinée à être un moteur de croissance ». Car, soutiennent-ils, « le modèle de l’aide crée un décalage entre l’État et les citoyens puisque l’argent gratuit ou pas cher de l’aide rend le gouvernement autonome financièrement et le dispense de la reddition des comptes, contrairement au cas où il dépend des recettes fiscales » (Young et Sheehan, 2014).
Pour sa part, en 2009, l’économiste zambienne Dambisa Moyo publie « L’Aide fatale : les ravages de l’aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique », un ouvrage qui fait le procès de l’aide publique au développement.
Mettre fin à l’aide
« Trade not Aid », cette formule lapidaire est présentée par les dirigeants américains et ceux de certains pays occidentaux depuis quelques années maintenant comme panacée pour sortir les pays du Sud de la pauvreté. En clair, on tend désormais à privilégier le commerce au détriment de l’aide.
Les pays riches ne sont pas seuls à soutenir cette thèse. Le Président Yoweri Museveni avait déclaré un jour que l’Ouganda n’a pas besoin d’aide, mais de commerce avec les partenaires.
Nombre de dirigeants à travers le monde sont à présent convaincus que les pays africains ont plus besoin d’attirer des investisseurs et de nouer des partenariats dans le respect des intérêts respectifs, pour se développer, plutôt que de compter sur l’aide.
Mais à quelles conditions?
Si on s’accorde sur le fait qu’attirer les investisseurs et nouer des partenariats « gagnant-gagnant » constitue un moyen pour les pays pauvres de se développer, le problème se pose de savoir si cela est possible au vu notamment de l’environnement économique pas toujours favorable de ces pays.
Aussi, les gouvernements devraient-ils miser avant tout sur l’instauration d’un environnement sain, avec des règles favorables au secteur privé. C’est à cette condition que les pays pourront attirer plus d’investisseurs et nouer des partenariats avec de grandes entreprises pour mettre en valeur leurs importantes potentialités. L’industrie locale pourra alors émerger et prospérer, produire et vendre plus.
Au final, il est clair que les pays africains se doivent de tourner la page de l’aide dont les effets pervers sur l’économie font par ailleurs l’unanimité. Et qui plus est, les pays donateurs sont eux-mêmes en bute à des problèmes internes qui ne leur permettent pas toujours d’assister les plus démunis. On pourrait alors clamer : pour le développement de l’Afrique, bienvenue aux investisseurs et aux partenariats!
Marc OMBOUI